Encore une fois cette année, l’initiative de Daniel et Cassandre Sioui En juin : Je lis autochtone ! est de retour pour une troisième édition dans le cadre du Mois national de l’histoire autochtone. Pour l’occasion, Impact Campus vous suggère différentes oeuvres tout au long du mois. Du roman érotique à la poésie, du théâtre à la bande-dessinée, découvrez ces littératures comme autant de nations, de communautés, de visions du monde. Bonnes lectures !
Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), journaliste multiplateforme
N.D.L.R. Bien que juin soit une merveilleuse occasion de mettre à l’avant-plan les questions des droits autochtones au Québec et au Canada, l’histoire et la culture des différentes nations et, dans ce cas précis, les auteur.rices, libraires et éditeur.rices autochtones, il faut se rappeler que ce n’est ni un simple effet de mode, ni un événement ponctuel. C’est encore moins une excuse pour justifier son tokenisme (ou diversité / inclusion / inclusivité de façade). Ce serait bien des valoriser leur parole et de les écouter à l’année (on dit ça comme ça…).
L’amant du lac (2013) – Virginia Pésémapéo Bordeleau – Mémoire d’encrier
Roman
Quatrième de couverture / Extrait : «Ce roman est un roman d’amour entre une Algonquine et un métis, mais aussi d’amours de toutes sortes enchevêtrées dans l’histoire des premiers peuples. Une histoire où règnent violence et colère. Et surtout une histoire de plaisir des corps dans un monde qui n’a pas encore connu les pensionnats pour Autochtones et les abus multiples des religieux sur les enfants. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi cette époque, avant le clivage des esprits chez les Amérindiens. Une époque où il était encore possible de vivre libre dans une nature vierge et grandiose, en Abitibi. […] Ce roman existe, je le souhaite, afin de déterrer le graine de la joie enfouie dans notre culture, profondément vivante, échappée du brasier de l’anéantissement annoncé par la Loi sur les Indiens, mise en oeuvre par les Oblats de Marie-Immaculée. L’amant du lac nous apprend que nous ne sommes pas que souffrance, que victimes: nous pouvons aussi être plaisir, exultation des corps, des coeurs. Amours. » (p. 9-10)
Commentaires : Dans ce roman érotique, Virginia Pésémapéo Bordeleau revisite avec sensibilité la sensualité (et la sexualité) – et même la sorrorité – ancrées dans une écriture intimmement liée à la nature et au territoire dans une perspective décoloniale. Entremêlée de poésie et de quelques illustrations, la narration alterne entre les personnages et permet un croisement des voix et des expériences, offrant à voir bien plus qu’une relation amoureuse. L’amant du lac, c’est aussi une histoire de réappropriation du corps au féminin, de son érotisation ainsi qu’un décentrement des perspectives au-delà des schèmes et des scripts dominants hétéropatriacaux, androcentrés et phallocentrés.
La course de Rose (2020) – Dawn Dumont – Éditions Hannenorak
Roman
Quatrième de couverture / Extrait : Après avoir perdu son emploi et son mari musicien, Rose Okanese, mère de deux filles au caractère bien trempé, décide qu’il est temps de s’occuper d’elle-même et de remonter son estime de soi. Son idée de génie : courir le marathon annuel organisé dans sa réserve, et ce, malgré le fait qu’elle n’a pas enfilé de souliers de course depuis vingt ans, qu’elle fume comme une cheminée et que l’optimisme n’est pas sa plus grande qualité. Ce dont elle ne manque pas, en revanche, c’est de spontanéité, et bien qu’elle regrette au départ de s’être engagée dans ce projet, elle se laisse peu à peu mener par son destin. Celui-ci placera sur son chemin un adversaire inattendu et on ne peut plus redoutable : un vieux démon bien connu de la communauté, avec lequel elle devra se battre pour conserver son indépendance d’esprit… C’est peu dire qu’en deux temps, trois mouvements, le chaos s’installe dans la réserve.
Commentaires : Pleine d’humour et d’autodérision, cette oeuvre de Dawn Dumont m’aura, à sa sortie, fait renouer avec le genre romanesque. Mettant en scène des personnages attachants et hauts en couleur, l’autrice fait ici le récit de la résilience. Elle plonge à la fois dans le quotidien de la communauté, ses coutumes et ses légendes, l’oeuvre prenant même par moments une tournure surnaturelle (par peur de divulgâcher, je ne vous en dis pas plus, hi hi).
Manikanetish (2013) – Naomi Fontaine – Mémoire d’encrier
Roman
Quatrième de couverture / Extrait : Une enseignante de français en poste sur une réserve innue de la Côte-Nord raconte la vie de ses élèves qui cherchent à se prendre en main. Elle tentera tout pour les sortir de la détresse, même se lancer en théâtre avec eux. Dans ces voix, regards et paysages se détachent la lutte et l’espoir.
Commentaires : Pour celleux ayant déjà lu Kuessipan (2011) ou Shuni (2020), Manikanetish se lit tout aussi bien (pour ne pas dire d’une seule traite). L’écriture simple, quoique toujours aussi fluide et poétique de Naomi Fontaine ne manque pas d’explorer des réalités complexes, la souffrance ou la solitude cédant toutefois le pas à la force, à l’humanité. Malgré qu’elle se compose de passages plus brefs, l’oeuvre approfondit la question de l’individualité des personnages et de la singularité de l’expérience racontée. Se tissent au fil des pages, des difficultés et des épreuves une relation de confiance, un sincère sentiment de solidarité et d’accomplissement.