Crédit Cloé ParadisLa tendance du sans alcool à l’universitéMarie Tremblay·10 février 2025ActualitésCampusEn vedette Alors que le mouvement du sans alcool poursuit sa lancée au Québec, Impact Campus se questionne sur les habitudes de consommation des universitaires. Par Marie Tremblay, journaliste multiplateforme Les effets néfastes de la consommation d’alcool, même modérée, sont de plus en plus connus. Plusieurs personnalités publiques partagent leur expérience avec la sobriété via leur plateforme et, au passage, créent des marques de breuvages non alcoolisés. La SAQ évoque dans son dernier rapport que la vente de boisson non alcoolisée ou faible en alcool (0,5%) a augmenté de 49% dans la dernière année. Du sans alcool, mais pour qui? La demande pour le sans alcool est bel et bien présente sur le campus, mais difficilement mesurable, car l’offre n’est pas représentative. L’ancienne présidente de l’Aéfeul, Monica Gagnier, ne consomme pas d’alcool et indique « qu’il y a un effort marqué depuis les dernières années ». Arrivée à l’université il y a sept ans, elle a vu les options sans alcool passer des simples boissons gazeuses aux cidres non alcoolisés et boissons d’eau pétillante. « Il est essentiel d’offrir une variété d’options sans alcool lors des évènements, car la consommation d’alcool ne devrait pas être le centre de l’activité. », poursuit Monica. D’un autre côté, un étudiant impliqué dans plusieurs évènements universitaires explique que la communauté universitaire est en retard quant au mouvement sans alcool et que les associations ont souvent les mains liées par leur partenariat avec les fournisseurs. Il semblerait aussi que les gens qui ne consomment pas d’alcool assisteraient moins aux évènements où la consommation excessive est valorisée. Une explication derrière cette absence; le lien entre l’alcool et les interactions sociales. L’alcool est indéniablement un lubrifiant social. Plusieurs personnes ne sont tout simplement pas à l’aise d’aller dans ce genre d’évènements en étant sobres. Mais qu’en est-il de ceux qui fréquentent ces évènements, comme les conducteurs désignés ou celles et ceux qui n’ont pas d’intérêt pour l’alcool? Show de la rentrée Diminuer sa consommation, pourquoi? Chaque année, le Silver Buck est décerné à la faculté qui boit le plus lors du Festival de sciences et génies. Chaque année, ce prix est remporté par la Faculté de foresterie, de géographie et géomatique (FFGG). Sébastien et Thomas étudient tous les deux dans cette faculté et ont tous les deux arrêté leur consommation d’alcool depuis leur arrivée à l’université. En les questionnant sur les motifs derrière cet arrêt, ils ont évoqué un long processus pour mener au contrôle de leur consommation. « C’est plus un processus, je pense, d’arrêter de boire. Tu ne te dis pas du jour au lendemain, j’arrête de boire. L’alcool m’apportait quand même beaucoup de négatifs dans ma vie. En me posant des questions, je me suis rendu compte que toutes les raisons pour lesquelles les gens pouvaient boire, moi je n’en avais pas besoin. En fait, il n’y avait aucun positif à boire », se confie Thomas. De son côté, Sébastien avait déjà coupé l’alcool pendant six mois avant de se lancer dans un projet d’une plus grande envergure : « J’ai décidé de complètement couper l’alcool, même sans alcool pendant un an.». Après avoir terminé chacun une année de sobriété, les deux étudiants évoquent plusieurs bienfaits, notamment la santé relationnelle, physique et financière. Sébastien explique que cesser de boire de l’alcool a engendré de profonds changements dans son mode de vie et son alimentation, lui permettant de se sentir beaucoup plus en forme. La consommation, normalisée? Pour Sébastien, il est évident que la consommation est normalisée : « Je pense que ce qui incite [à la consommation], c’est vraiment une question d’habitude. Quand il y a un événement, [l’alcool] est déjà inclus. On va boire. Ce n’est même pas une question que la majorité des personnes se posent. ». En 2022, l’association pour la santé publique du Québec a sondé la population sur ses habitudes de consommation. Parmi les gens sondés, 96% des jeunes âgés entre 18 et 35 ans avaient consommé de l’alcool au courant des 12 derniers mois, 85% du temps lors d’un événement festif. Toujours selon cette étude, près des trois quarts des personnes avaient consommé de l’alcool avant l’âge légal, après y avoir été incités par des proches (amis et familles). Les habitudes de consommations s’ancrent donc dans les normes sociales dès un très jeune âge. Pour les parents, l’initiation à la première goutte d’alcool permet d’instaurer un cadre sécuritaire et de superviser l’expérience. En revanche, cela banalise la consommation. Il faut dire que cette norme sociale a un impact très fort sur la pression qui force la consommation. Dans la tranche d’âge 18-34 ans, 32% des répondants affirmaient ressentir de la pression lors des événements sociaux. « Au début, c’était la game d’essayer de me faire recommencer à boire. Je n’ai pas eu le choix de repousser des gens qui ne comprenaient pas ma décision », se souvient Thomas. L’importance de modèles Thomas explique que son processus a grandement été influencé par une connaissance « J’ai arrêté de boire, pas à cause de lui, mais parce qu’il m’a inspiré. Qu’il y ait des modèles de gens qui ne boivent pas, ça fait du bien, ça peut aider aussi ». Même si un changement dans la culture universitaire ne semble pas se dessiner à l’horizon, de plus en plus de gens décident de réduire leur consommation. Donner une vitrine à des étudiant.es ayant pris cette décision permet de montrer qu’il existe une voie alternative pour naviguer à travers les années universitaires. La modération a bien meilleur goût. Références ASPQ. (2022). L’alcool au Québec : Opinions de la population et des organismes sur la norme sociale et les politiques publiques (p. 50). https://www.aspq.org/app/uploads/2022/06/2022_opinions-pop-organisations-alcool_vf.pdf SAQ. (2024). RAPPORT ANNUEL 2024 (p. 151). https://saqblobmktg.blob.core.windows.net/documents/Communications/Rapports_Financiers/SAQ_RA2023-2024_FINAL.pdf Auteur / autrice Marie Tremblay Voir toutes les publications