La Confédération des Associations d’étudiants et étudiantes de l’Université Laval (CADEUL) a récemment décidé de faire racheter le dépanneur Chez Alphonse par la cafétéria Saveur Campus. Les activités du commerce seront grandement réduites et transférées dans les locaux de Saveur Campus. Certain.es employé.es sont très mécontent.es de la décision et qualifient la restructuration de « licenciement déguisé ». La CADEUL justifie sa décision en mentionnant que le commerce était déficitaire en raison de la baisse d’achalandage dans le pavillon Desjardins.
Par Antoine Morin-Racine, chef de pupitre aux actualités
Le dépanneur Chez Alphonse est une filiale de la CADEUL qui sert la clientèle universitaire du pavillon Desjardins depuis près de 30 ans. Sauf alcool, on y trouve toutes les fournitures d’un dépanneur normal. Café, chips, loterie, sandwichs, fournitures essentielles, produits menstruels, terminal RTC, Chez Alphonse dessert non seulement la clientèle du Pavillon Desjardins, mais constitue également un commerce indispensable pour les habitant.es des résidences pour qui le seul autre commerce de détail le plus proche se trouve à plus d’un kilomètre de marche sur la rue Myrand (Maxi).

Crédit photo : Antoine Morin-Racine

Crédit photo : Antoine Morin-Racine
Déménagement et rachat par Saveur Campus
Le 28 février dernier, les employé.es du dépanneur ont été informé.es que leur propriétaire, la CADEUL, allait faire racheter les activités du dépanneur par Saveur Campus et que son équipe serait intégrée à celle de la cafétéria étudiante. Selon les employé.es intérogé.es par Impact Campus, celleux-ci étaient au courant d’un déménagement éventuel du dépanneur dans les locaux de Saveur Campus, mais avait eu la garantie que les équipes seraient distinctes et que le dépanneur garderait son identité. Les employé.es avaient ensuite jusqu’au 4 mars pour accepter ou refuser l’offre de changement d’emploi.
« On me propose de passer d’assistante-gérante où je gérais les commandes, l’équipe, où je faisais du service à la clientèle, à potentiellement devoir faire de la plonge, tout en étant payé moins avec des horaires beaucoup moins flexibles. […] Moi je restais au dépanneur pour travailler au dépanneur. », explique Inès Le Sorne, ancienne employée gérante.
Parmi celleux qui ont refusé l’offre, Raphaëlle Martineau considère cette manière d’agir comme un licenciement déguisé de la part de la CADEUL.
« Les tâches rajoutées par leur fusion étaient tellement loin de ce qu’on faisait au dépanneur, que je ne peux que le voir comme une façon de faire quitter les employé.es qui peuvent se le permettre. De faire une fusion comme celle-là à une semaine et moins de préavis, ça donne une forte impression qu’on veut se débarrasser de nous. »
Selon le Code du travail fédéral, il y a « congédiement implicite » quand « l’employeur n’a pas directement congédié l’employé » et a plutôt « négligé de respecter les conditions d’emploi sur un point important; modifié unilatéralement les conditions d’emploi de l’employé; ou exprimer la ferme intention de faire l’un ou l’autre, forçant ainsi l’employé à démissionner ».
La majorité des employé.es auraient accepté l’offre, mais même au sein de celleux qui travaillent maintenant au Saveur Campus, on déplore que le tout ait été fait « à l’arrache ».
Selon des employé.es qui occupaient des positions de gestion, la CADEUL émettait l’idée de déménager le dépanneur depuis à peu près 2 ans. Après une première annonce de déménagement avortée au printemps 2024, on annonce à certain.es employé.es gestionnaires en décembre dernier un déménagement dans les locaux du Saveur Campus après le congé des fêtes, qui est également repoussé. Au début du mois de février, le déménagement aurait ensuite été réannoncé aux mêmes employé.es puis repoussé encore une fois à la relâche.
Pendant tout ce temps, la nature de la restructuration aurait plusieurs fois changé et aucun.es des travailleur.euses du dépanneur n’auraient été consulté.es quant à l’avenir de leur lieu de travail.
Selon leurs dires, on aurait également encouragé les employé.es au cours du déménagement à ne pas en parler à leurs collègues. Une affirmation que la CADEUL nie.
Un commerce déficitaire
Selon la CADEUL, le manque d’achalandage dans le pavillon Desjardins depuis la pandémie serait en cause dans les déficits engrangés par le dépanneur dans les dernières années.
Le pavillon Desjardins étant à vocation uniquement administrative, une grande partie des revenus de Chez Alphonse provenait des employé.es de bureau du pavillon. Avec l’avènement du travail en ligne, une grande partie d’entre elleux travaillent ainsi bien moins souvent à partir du campus.
Daphné Sauvageau, présidente de la CADEUL, se désole de l’incertitude qui planait sur le dossier du déménagement, mais attribue celle-ci à la renégociation en cours de l’ensemble du système alimentaire à l’université. Effectivement, depuis plusieurs mois, le vice-rectorat aux infrastructures négocie avec les différentes associations étudiantes la refonte de l’ensemble des services alimentaires du campus. Il s’avérait donc difficile d’élaborer un plan clair pour la restructuration du dépanneur à un moment où l’Université elle-même ne savait pas vraiment « où elle s’en allait » en termes d’offre alimentaire. Les recettes déficitaires de Chez Alphonse arrivant de moins en moins facilement à couvrir le loyer du local, il était cependant nécessaire d’agir, selon la présidente.
Selon Inès Le Sorne, la gestion du dépanneur était au courant des déficits engrangés depuis les dernières années, mais il était souvent difficile pour la gestion d’obtenir un budget ou de la documentation sur leurs revenus de la part de la direction des filiales de la CADEUL. Le sort du dépanneur commençait d’ailleurs à s’améliorer selon elle. Grâce à une nouvelle gestion motivée à sortir le commerce de son déficit, septembre 2024 aurait été l’un des premiers mois rentables depuis longtemps.
Dans un effort de préserver l’accessibilité d’un commerce de détail de la sorte pour les habitant.es du campus, l’horaire de la nouvelle section dépanneur du Saveur Campus sera le même que celui de Chez Alphonse. La plupart de la marchandise du dépanneur se trouve déjà dans les locaux de Saveur Campus, cependant, le terminal RTC, le prêt-à-manger et une partie des boissons froides ne pourront pas être transférés.