Le 8 septembre dernier, au Népal, le gouvernement bannissait les réseaux sociaux, déclenchant des manifestations de plusieurs jours. Au total, 72 personnes sont mortes lors des soulèvements (Agence France-Presse, 2025). Ces événements s’inscrivent dans une lignée de manifestations initiées par la génération Z en Asie du Sud comme au Bangladesh et au Sri Lanka ont également montré leur mécontentement face au gouvernement ces dernières années. (Singh, 2025).
par Heidi Lalonde, journaliste collaboratrice
La situation au Népal
Évidemment, les raisons des contestations de septembre vont bien plus loin qu’une interdiction de 26 réseaux sociaux; le chômage, le népotisme, la corruption qui ravagent le pays avaient déjà de quoi faire sortir les jeunes Népalais.es de sortir dans les rues.
Au Népal, la population active augmente de 500 000 jeunes chaque année, contrairement au nombre d’emplois disponibles. La situation oblige les Népalais.es à quitter le pays pour aller trouver du travail ailleurs. L’Inde et le Moyen-Orient sont les destinations les plus populaires. Les réseaux sociaux sont donc un moyen de communiquer avec leur famille, l’interdiction de ceux-ci a été la goutte de trop (Agence France-Presse,2025).
Quelques jours avant les manifestations, des images des privilèges octroyés aux enfants des dirigeants politiques circulaient sur les réseaux sociaux. Notons que sur 180 pays, le Népal arrive 107e en termes de transparence gouvernementale selon Transparency International (Agence France-Presse, 2025).
Après une journée d’émeutes, le Premier ministre népalais, KP Sharma Oli, a annoncé sa démission. Il a été remplacé par l’ancienne cheffe de la Cour suprême, Sushila Karki. « Ce qu’ils réclament, c’est la fin de la corruption, une bonne gouvernance et l’égalité économique (Mathema,2025) » a déclaré la nouvelle première ministre. Elle a également affirmé qu’elle allait tout faire pour répondre aux exigences des Népalais.es avant les prochaines élections en mars 2026 (Mathema, Mathema,2025). Notons que c’est un vote organisé sur Discord qui aurait permis à Sushila Karki de prendre le poste par intérim.
Regard sur les manifestations du Bangladesh et du Sri Lanka
En juillet 2024, au Bangladesh, c’est la question de l’iniquité quant à la distribution des emplois dans la fonction publique qui a poussé les étudiant.es à manifester. 30 % des emplois étaient réservés aux enfants des anciens combattant.es de la guerre d’indépendance de 1971. Ce système était critiqué puisque ça favorisait les partisan.nes du gouvernement (Amnistie, 2024). Entre le 15 juillet et le 5 août, environ 1400 personnes ont été tuées. Le 5 août, la Première ministre Sheikh Hasina a démissionné et quitté le pays. Muhammad Yunus l’a remplacée et a formé un gouvernement par intérim (Agence France-Presse, 2024).
En 2022, les étudiant.es sri-lankais.es sont sorti.es dans les rues en raison d’une crise économique qui a frappé le pays, crise économique à laquelle s’ajoutaient inflation, pénuries de biens essentiels, coupures d’électricité et interdiction d’engrais chimiques par le président (Boillot, 2023). Les manifestations se sont déroulées du mois de mars à la mi-juillet et ont finalement mené à la démission du président Gotabaya Rajapaksa. Il a été remplacé, par intérim, par le Premier ministre Ranil Wickremesinghe (Jayasinghe, 2022).
La recherche d’un emploi : un vrai casse-tête chez les jeunes d’Asie du Sud
Le chômage en Asie du Sud est en grande partie causé par la croissance démographique rapide. En 2023, 59 % des membres de la population active avaient un emploi, en Asie du Sud, comparée à 70 % dans le reste du monde. Selon le rapport de 2018 de l’Organisation internationale du Travail (OIT), c’est environ 18 à 20 millions de jeunes qui rejoignent la population active en Asie du Sud chaque année. La saturation du marché du travail pousse plusieurs à se tourner vers des emplois non réglementés (informels) et précaires. Au Bangladesh et au Népal, ce serait 85% des emplois qui seraient informels (Hossan; Islam, 2024).
Le népotisme et la corruption en Asie du Sud
Compte tenu des régimes dynastiques, le népotisme, un type de corruption qui se traduit par un favoritisme aigu, est chose courante. Par exemple, pendant le deuxième mandat de la famille Rajapaksa à la tête du Sri Lanka (2019-2022), Gotabaya Rajapaksa est devenu président et son frère, Mahinda Rajapaksa Premier ministre. Un autre membre de la fratrie ainsi que des neveux du président ont été nommés chefs de ministères. En privilégiant les ami.es du pouvoir, le gouvernement renforce des liens avec ses allié.es, ce qui lui garantit des soutiens politiques au sein des institutions publiques (Amnesty, 2024).
Portée par une colère lucide face à l’injustice, la corruption et l’effondrement des systèmes, c’est la génération Z qui a mené ces trois séries de manifestations. Face à la pression populaire, les gouvernements du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka ont fini par céder. Cette génération ne se contente plus de survivre, elle exige des comptes et elle est prête à descendre dans la rue pour les obtenir.
Crédits photo : Riyaz Khaliq Khaliq
Bibliographie
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Boillot, J.J (2024), Crise au Sri Lanka : pourquoi le pays est en faillite, IRIS, https://www.iris-france.org/167970-crise-au-sri-lanka-pourquoi-le-pays-est-il-en-faillite/
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Jayasinghe,A (2022), Le président démissionne, le successeur choisi mercredi, La presse, https://www.lapresse.ca/international/asie-et-oceanie/2022-07-15/sri-lanka/le-president-demissionne-le-successeur-choisi-mercredi.php
Mathema,P(2025), Quand la jeunesse d’Asie du Sud se révolte, Le devoir,https://www.ledevoir.com/monde/asie/917901/quand-jeunesse-asie-sud-revolte
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