Depuis quelques années déjà, les bourrasques soulèvent du port de Québec de la poussière et des préoccupations. Une étrange poussière rougeâtre recouvre régulièrement le quartier Limoilou, et parfois Lévis.
Jean Louis Bordeleau
Cette poussière affecte la qualité de l’air, recouvre les surfaces extérieures, contamine l’environnement. Plusieurs citoyens du quartier réclament des changements, tandis que les acteurs économiques et politiques se renvoient continuellement la balle.
Le 21 novembre 2012, le gouvernement du Québec donnait un avis d’infraction à une entreprise exploitante du port, Arrimage Québec. Les activités d’Arrimage Québec étaient reconnues comme source directe de la poussière gênante. Selon l’avis, la compagnie devait fournir aux autorités « un plan des mesures correctives […] pour vous conformer à la Loi sur la qualité de l’environnement. » Malgré cela, les épisodes de poussière se répètent. Sporadiquement, la poussière n’est plus rouge… elle devient grise. D’autres avis de non-conformité sont émis, sans voir de résultats. Le Port a mis en place des capteurs de particules, un réseau de canons à eau, des entrepôts pour récupérer la poussière et des stations de lavage de camions. Rien n’y fait. Le plus récent avis d’infraction a été émis le 15 janvier dernier. « En aucun temps, les normes québécoises n’ont été dépassées », rappelait pourtant le Port de Québec la semaine dernière dans un communiqué.
La citoyenne Véronique Lalande, pour veiller et défendre la qualité de l’air de son quartier, a crée un groupe de citoyens nommé Vigilance port de Québec. Il faut un « processus de transbordement étanche et tout à couvert : le fer, le charbon, toutes les matières doivent être à couvert », réclamait-elle en entrevue avec Radio-Canada.
Problèmes de santé
La poussière est rouge, parce que c’est principalement de l’oxyde de fer, aussi appelé rouille. En plus de la rouille, la poussière contient des quantités anormalement élevées de nickel. Des tests effectués l’an passé ont révélé dans certains secteurs la présence de concentrations de nickel jusqu’à 4 fois plus élevées que les normes en vigueur. En plus de la rouille et du nickel, de l’arsenic, du cuivre, du plomb et du zinc font aussi partie de la poussière, selon un rapport d’analyse commandé par la citoyenne Véronique Lalande.
La direction de la santé publique de Québec a réalisé une conférence de presse l’an dernier pour informer publiquement des risques potentiels de cette poussière sur la santé. Entre 10 % et 20 % de la population, tous âges confondus, est à risque. Une réaction allergique à la présence de nickel peut entraîner de l’eczéma, de l’asthme ou de l’urticaire. Sinon, les impacts de ce métal sur les développements de cancer seraient négligeables.
Le Devoir révélait aussi que la poussière se trouvait jusque dans le secteur de Vanier, à plus de 5,6 kilomètres du port de Québec. L’omniprésence de ces particules dans l’air amène aussi un couvert de poudre qui se renouvelle sur les surfaces extérieures. L’hiver, des résidents de Limoilou ont signalé de la neige rouge dans leur cour.
Une patate chaude politique
Les activités portuaires relèvent constitutionnellement des compétences du gouvernement fédéral. C’est donc vis-à-vis « Sa Majesté » la reine que le Port de Québec se tourne pour faire face à la musique. Il invoque donc l’impossibilité pour le gouvernement du Québec d’intervenir dans ce dossier. Une représentante du gouvernement du Québec s’est même rendue sur place pour procéder à une inspection : elle s’est fait revirer de bord puisqu’elle n’était pas envoyée par le fédéral. Pourtant, le gouvernement fédéral ne semble pas avoir levé le petit doigt dans ce dossier.
Le ministère de l’Environnement parle d’« entrave » de la part des exploitants portuaires. La Loi québécoise sur l’Environnement fixe les normes acceptables en matière de polluant. Elle donne au gouvernement le droit de veiller à les faire respecter. En mars dernier, Environnement Québec avait pourtant rencontré le président d’Arrimage Québec, sans faire avancer le dossier. Pour sa défense, le gouvernement fédéral a tout récemment statué que c’était « un problème de qualité de l’air, donc de compétence provinciale ». L’« autorité compétente » devrait donc être au palier provincial. Arrimage Québec a par ailleurs envoyé une requête en Cour Supérieure pour contester la juridiction provinciale. Le procès pourrait durer des années.
Le dossier est en suspens, alors que Québec évalue ses options.
Bas de vignette : Le port de Québec est le plus grand port de nickel en Amérique du Nord.