Crédit photo : Alice Beaubien

Une nouvelle réalité pour les étudiant(e)s ; un défi pour les professeur(e)s

Avec l’arrivée des nouvelles technologies et la diffusion large d’Internet, le journalisme connaît un point tournant. Il en va de même pour ce qui est de la façon de l’enseigner. Même si les fondamentaux du métier de l’information demeurent inchangés, les professeurs n’ont guère le choix de s’adapter dans leur manière de transmettre leur expertise et leur savoir-faire.

Depuis une dizaine d’années, l’avancée technologique et l’arrivée d’Internet dans les salles de classes constituent un point tournant de l’enseignement du journalisme, et de la profession elle-même. «On arrive en classe et on est devant une forêt d’ordinateurs», mentionne Thierry Watine, professeur titulaire au département d’information et de communication de l’Université Laval.

Même si, de cette façon, l’accès à l’information est de plus en plus rapide et instantané, l’attention des étudiant(e)s se voit davantage ébranlée. «[Avant], on ne se posait pas la question si les étudiants étaient distraits. Aujourd’hui, on n’a pas un auditoire totalement captif, on ne sait pas s’il est ailleurs ou s’il décide d’écouter», souligne-t-il.

Cette nouvelle transition ne semble pourtant guère effrayer le professeur préférant plutôt voir la situation comme un défi personnel. M. Watine estime que cela lui a permis d’amener sa méthode d’enseignement à un niveau supérieur. «C’est un défi permanent, chaque séance est un moment où il faut performer [et s’assurer] que le show soit bon», indique-t-il.

Repenser l’enseignement

Devant les étudiant(e)s, tout est une question de créativité «ça suscite beaucoup l’énergie et la créativité. [Les ordinateurs], c’est quelque chose de positif parce que ça donne un accès rapide à l’information, c’est interactif et ça permet de vérifier, de toujours rester connecté et d’accéder à une base de données pour la collecte de l’information», ajoute le professeur.

Pour Renaud Carbasse, également professeur au département d’information et de communication de l’Université Laval, l’enseignement du journalisme adapté aux plateformes web et ses différents outils s’est fait instinctivement depuis le début de sa carrière. «Dès le début, j’ai pensé l’enseignement pour quelque chose d’adapté au numérique et au web. L’idée pour moi, ça a plus été de me dire : comment est-ce qu’on s’adapte pour un contexte qui est en changement, sans perdre de vue les fondamentaux ? La base, ça va rester la capacité à raconter une histoire qui mérite d’être racontée», soutient-il.

Thierry Watine abonde dans le même sens en insistant sur le fait que «le contenu ne va pas changer, mais c’est plutôt la façon de le livrer qui changera complètement».

Trop de pression sur les étudiants ?

Pour les futurs journalistes présentement en formation, les deux professeurs s’entendent pour dire que la pression caractérisera le monde journalistique de demain, ce qui se reflète dans la formation et doit être considéré comme un avantage pour eux. «Je pense que la pression est liée à l’ensemble du métier de journaliste, qui est mené à travailler sur plusieurs plateformes en même temps. C’est peut- être une bonne chose que la pression soit d’emblée sur les étudiants, parce que c’est ça qui risque de les atteindre une fois qu’ils seront sur le marché du travail», précise M. Carbasse.

Une nouvelle réalité qui en demande peut-être davantage aux étudiants, mais qui demeure impérative. «Tous les étudiants doivent être capables de maîtriser plusieurs cordes à leur arc. C’est fini le temps où l’on maîtrisait juste une technique», insiste M. Watine.

Si le journalisme se caractérise principalement par la passion et la curiosité, le journalisme de multiplateforme, lui, mise sur la polyvalence et la versatilité. «Le multiplateforme, c’est la gestion de communauté, c’est l’apprentissage du code web. C’est d’être curieux de ce qui va sortir après, parce qu’on ne sait pas ce que ça va être», confie Renaud Carbasse.

L’approche pédagogique vient donc se recentrer sur la maîtrise de ces pratiques innovantes. «Le propre du journalisme multiplateforme, c’est qu’au lieu de bien maîtriser un truc, il faut maîtriser l’écrit, l’audio et la vidéo en plus d’être capable de faire du montage et de se servir d’un logiciel d’infographie. Il faut démultiplier les compétences et démultiplier les tâches. Ça veut dire qu’à la fin de ta journée [les futurs journalistes vont] avoir fait énormément plus de trucs que leurs homologues il y a quinze ans», poursuit-il.

Travailler d’abord pour le web

Sans vouloir surcharger les étudiants, le but est de leur apprendre les pratiques actuelles, ce qui est devenu d’une certaine manière incontournable. «Les outils sont de plus en plus performants et accessibles. Ce qui a vraiment changé, c’est la vitesse à laquelle il faut s’adapter à de nouveaux outils, des nouvelles plateformes et des changements dans l’algorithme Facebook et de Google», constate M. Carbasse.

M. Watine partage ce point de vue et signale l’importance de se tenir à jour de manière permanente. «Il faut que l’étudiant pense et s’intéresse aussi à l’intelligence artificielle et qu’il maîtrise l’algorithmique.»

Garder la passion

L’enseignement du journalisme s’adapte graduellement au gré des transformations technologiques, mais l’élément principal demeure. «Ce qui n’a pas changé, c’est la passion», affirme Thierry Watine. Tel que mentionné dans son livre, Les nouvelles cartes du journalisme, la pratique du journalisme de demain c’est «un pied dans la tradition, une main dans l’imagination».

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