Nancy, Hind, Annie-Pierre ou encore Marianne. Toutes ces étudiantes ont un point en commun : elles sont aussi mamans. À plein temps. Entrée dans le quotidien de parents étudiants de l’Université Laval.
Des superfemmes ! C’est ce qu’on pense en entendant les témoignages de ces mamans étudiantes. Entre deux biberons, la garderie et les grossesses, elles arrivent à maintenir le cap : finir leur diplôme, souvent dans l’excellence.
« Oui, j’ai fait ma session en entier ! Ça prend de la motivation, mais ça ne change rien pour moi », affirme pleine d’assurance et d’entrain Nancy Fournier, étudiante au certificat en management et maman de deux enfants (2 ans et 4 mois). Celle-ci a d’ailleurs profité de son congé de maternité pour compléter son diplôme.
« Je fais mon certificat à distance. C’est un peu le seul moyen pour moi de continuer mes études, car amener un bébé dans un cours, ce n’est pas toujours évident. Mais avec des classes virtuelles synchrones, c’est parfait ! Et pour les travaux d’équipe, ça se fait bien aussi. Je suis aussi présente que n’importe qui », déclare-t-elle.
« À partir du moment où tu deviens maman, c’est comme si tu avais deux autres bras qui te poussent. Aussitôt que les enfants sont endormis, tu clenches tes lectures, tu clenches tes travaux. »- Nancy Fournier.
Pour Annie-Pierre Bélanger, étudiante à la maîtrise en sociologie et mère de 3 enfants, ses grossesses ne l’ont pas non plus bloquée, « mais ralenti beaucoup », concède-t-elle : « Ça m’a pris 7 ans à terminer mon baccalauréat. J’ai eu beaucoup de moments à temps partiel. Il y a eu des moments où je n’ai pas fait l’année en continu. J’ai eu des sessions de pause pour accoucher ou des fins de grossesse plus difficiles. »
L’organisation comme maître mot
Toutes les mamans rencontrées l’affirment : le secret est dans l’organisation. « À partir du moment où tu deviens maman, c’est comme si tu avais deux autres bras qui te poussent. Aussitôt que les enfants sont endormis, tu clenches tes lectures, tu clenches tes travaux », lance Nancy Fournier.
Anne-Marie Rouillier, étudiante à la maîtrise en anthropologie et mère de 2 enfants (3 ans et 6 mois), l’avoue elle aussi : « Ça demande une gestion de temps qui est franchement différente ». « Ce qui pouvait paraître simple avant, comme organiser une étude en groupe, ça devient quasi-impossible les fins de semaine, ou il faut y aller avec les horaires de la gardienne. […] Il faut être très assidue à ce que tu as à faire. Quand il y a du temps qui passe, il faut le prendre ! », poursuit-elle.
Marianne St-Pierre, étudiante à la maîtrise en sociologie et mère de 2 enfants (6 ans et 3 ans), abonde dans le même sens : « Avec des enfants, c’est sûr que ça implique une organisation de plus, et des imprévus de plus, ainsi qu’une routine mieux suivie, une meilleure discipline. »
Toutes voient néanmoins le côté positif de la chose. « Ça donne un beau modèle aux enfants pour ce qui est de la persévérance, du désir d’apprendre, de l’importance de l’éducation », affirme Marianne St-Pierre. Pour Camille Marceau Bouchard, étudiante à la maîtrise en droit criminel et maman d’un garçon de 9 ans, être parent-étudiant a été « ultra bénéfique » : « Avoir un enfant, ça t’oblige à avoir une discipline. Ça aide à être plus efficace à l’école. »
Celle-ci, qui a fait son baccalauréat en droit et a passé son Barreau depuis la naissance de son enfant, se nourrit d’ailleurs du soutien de son fils : « Lors de ma collation des grades, il était là. Il était tellement fier ! Il comprenait que c’était l’aboutissement, que j’avais réussi, car il m’a vue mettre les efforts là-dedans. »
Des professeurs compréhensifs
Être parent étudiant, cela induit des ajustements d’emploi du temps ou des contraintes notamment liées aux grossesses. Selon les témoignages recueillis, les professeurs et l’administration de l’Université se trouvent généralement conciliants face à ces situations.
« Ça donne un beau modèle aux enfants pour ce qui est de la persévérance, du désir d’apprendre, de l’importance de l’éducation. » – Marianne St-Pierre.
Hind Benyahia, vice-présidente aux communications de l’Association des parents-étudiants de l’Université Laval (APÉTUL) et étudiante au baccalauréat en administration des affaires, a accouché lors de la fin de session de l’hiver dernier : « Je n’ai pas pu passer les examens, mais j’ai eu des arrangements avec la direction de programme et ils ont bien voulu me repousser les examens à l’été ».
Marianne St-Pierre a le même ressenti : « Les professeurs que j’ai eus ont toujours été très aidants, pour des maladies ou quoi que ce soit. […] J’ai toujours eu des accommodements en toute justice pour les autres étudiants aussi. »
Même si elle reconnaît avoir été très chanceuse lors de son parcours, Anne-Marie Rouillier relate toutefois une mésaventure : « Il y a juste une fois où j’ai été franchement désolée de la situation où, enceinte de mon fils, on m’a interdit de sortir de la salle d’examen pour aller à la salle de bain alors qu’on sait combien on peut avoir envie souvent quand on est enceinte. Ça, j’avoue que j’ai trouvé ça vraiment déplaisant. »
Un statut non reconnu
Annie-Pierre Bélanger déplore le fait que le statut des parents-étudiants ne soit pas reconnu par l’Université : « Il n’y a aucun aménagement qui est fait. Même pas pour la grossesse. Les seuls aménagements qui ont été faits, c’est sur le plan de l’aide financière aux études, donc c’est gouvernemental ».
L’étudiante à la maîtrise en sociologie rappelle néanmoins la mise en place de salles d’allaitement sur le campus, une initiative étudiante introduite par le Bureau d’entraide en nutrition. « Mais à part d’accepter certaines initiatives étudiantes, l’Université n’adapte rien », regrette-t-elle.
Pour Marianne St-Pierre, le problème vient du statut non modulable du temps plein étudiant : « En ce qui concerne les prêts et bourses, on peut être reconnu à temps plein même si on s’inscrit à moins de 12 crédits, alors que l’Université, elle, nous demande d’être à temps plein quand même. Mais avoir 4 cours avec des enfants, c’est complètement fou ! […] Ça fait aussi que toutes les possibilités de bourses à la réussite te passent sous le nez. »
« Il n’y a aucun aménagement qui est fait. Même pas pour la grossesse. Les seuls aménagements qui ont été faits, c’est sur le plan de l’aide financière aux études, donc c’est gouvernemental. » – Annie-Pierre Bélanger
Une réalité éclatée
Le quotidien des parents étudiants est loin d’être le même pour tous et toutes. Selon Annie-Pierre Bélanger, également membre du conseil d’administration de l’APÉTUL, le profil le plus majoritaire reste les femmes aux cycles supérieurs ayant un conjoint, avec un revenu et un certain niveau de vie.
« Il y a aussi les parents qui sont au premier cycle, qui rencontrent d’autres difficultés, car là, il n’y a aucun aménagement. On est dans le cas par cas, selon l’arbitraire et la compréhension de chaque prof. Ce sont des situations beaucoup plus difficiles. Ainsi que les mères monoparentales », juge Annie-Pierre.
Reste que la plupart des demandes reçues par l’APÉTUL proviennent d’étudiants internationaux. « Elles vont souvent être en lien avec la recherche de garderies, car la plupart n’ont pas accès aux CPE, les garderies subventionnées. Elles vont beaucoup concerner le statut d’immigration : est-ce que je peux modifier mon régime d’étude ? Malheureusement pour nous, souvent, on ne peut pas les aider à part leur dire de faire des arrangements dans les coulisses, des ententes informelles avec professeurs », commente cette membre de l’Association des parents étudiants.
« C’est de l’organisation ! La seule place où tu peux couper, c’est dans ton temps de sommeil. Tu ne peux pas couper dans le temps que tu passes avec tes enfants, et avec l’université, il ne faut pas que tu prennes du retard. » Nancy Fournier
« Je dirais : garder le courage ! Et ne pas hésiter à côtoyer l’association [l’APÉTUL]. » Hind Benyahia
« De revendiquer, de négocier, de ne pas s’arrêter à ce qui est écrit sur les papiers. D’aller plutôt dans les ententes informelles parce que c’est tout ce qu’on a actuellement. De ne pas s’empêcher de demander un accommodement. » Annie-Pierre Bélanger
« Ne pas s’en vouloir de passer du temps avec son enfant. Il ne faut pas se sentir coupable de toujours avoir le nez dans nos livres. C’est important de vivre autre chose aussi. » – Camille Marceau Bouchard
« De moins vouloir être perfectionniste, car on ne peut pas tout faire. Il faut se préserver un petit peu là-dedans, car on ne peut pas être hyper disponible, parfaite GO avec les enfants, les amuser, super performante pour les cours et prendre des contrats d’assistanats, et s’impliquer. À un moment, il faut qu’on laisse aller et il faut l’accepter. » Marianne St-Pierre
« Il faut se faire confiance. Je pense vraiment que c’est possible et que c’est une magnifique façon de vivre ses études et sa vie avec de jeunes enfants parce qu’on a une souplesse, une flexibilité qui n’est pas là quand on est travailleur. Je pense qu’il ne faut pas avoir peur d’être un peu marginaux là-dedans. » Anne-Marie Rouillier
« Ne pas s’en vouloir de passer du temps avec son enfant. Il ne faut pas se sentir coupable de toujours avoir le nez dans nos livres. C’est important de vivre autre chose aussi. » Camille Marceau Bouchard
– 4 000 à 5 000 parents étudiants sur le campus de l’UL (données estimées par l’AÉLIÉS);
– Environ 15 % des étudiants au 1er cycle ont un ou des enfants;
– Environ 25 % des étudiants aux 2e et 3e cycles ont un ou des enfants.
À l’annonce de la concrétisation du projet de garderie à horaire atypique de la CADEUL, les mères étudiantes interrogées se montrent enthousiastes, bien qu’elles regrettent de ne pas en avoir été informées.
La CADEUL annonçait au début du mois à Impact Campus avoir obtenu les 50 places en CPE tant attendues. Selon l’association de 1er cycle, la garderie devrait ouvrir ses portes en avril prochain.
Anne-Marie Rouillier se réjouit de cette annonce : « C’est une magnifique initiative ! J’aurais aimé pouvoir en profiter pour mon fils. […] C’est certain que ça va faciliter la vie à bien des gens. » Hind Benyahia, VP aux communications de l’APÉTUL, nuance quelque peu : « Je trouve que c’est une très bonne chose, même si je pense que 50 places, ce n’est pas assez […]. Mais c’est déjà un grand pas en avant et ça peut vraiment permettre aux parents de se sentir un peu plus libres pour étudier surtout aux vues de la flexibilité des horaires. »
Annie-Pierre Bélanger, membre du CA de l’APÉTUL, regrette quant à elle que l’Association des parents étudiants n’ait pas été mise au courant de cet avancement du projet. « On va croiser les doigts pour que ça ouvre ! », lance-t-elle.
Elle regrette toutefois que les étudiants internationaux soient de facto exclus. « Les étudiants internationaux n’auront pas accès à ce service-là, ce qui est quand même majeur, car c’est la clientèle qui en aurait le plus besoin, juge-t-elle. Comme c’est un projet de CPE, un service qui est subventionné par le gouvernement, il n’y a aucun étudiant étranger qui y a accès. »
Selon elle, il s’agit tout de même d’une avancée : « Un service de garde à horaire atypique c’est super intéressant pour les besoins qu’on a à l’université. »