C’est jeudi dernier que l’Université Laval et sa Fondation ont fait l’annonce d’une nouvelle stratégie d’investissement responsable, qui vise notamment à réduire l’empreinte carbone de leurs investissements de 50% d’ici 2030, avec pour cible une baisse de 30% d’ici les cinq prochaines années. Si elles sont majoritairement satisfaites de la l’orientation de l’administration, certaines associations étudiantes déplorent le «manque de transparence de l’université : l’AELIÉS et de la CADEUL craignent d’avoir été exclues du processus décisionnel.
Si en 2017, la stratégie de départ impliquait le retrait de tous les investissements dans les énergies fossiles, c’est pour une stratégie plus «globale» qu’a opté l’Université Laval : elle vise à réduire l’ensemble de son empreinte carbone de ses placements. L’objectif : une réduction de 50% d’ici 2030. Dans la même lancée, l’Université Laval prévoit devenir signataire des UNPRI (United Nations Principles for Responsible Investment), une initiative du Secrétaire général des Nations unies, elle qui se retrouve d’ailleurs au deuxième rang des universités au Canada selon le classement Times Higher Education pour sa lutte aux changements climatiques.
Le vice-recteur à l’administration, André Darveau, explique cette nouvelle stratégie comme étant le fruit d’une année et demie d’analyse exhaustive. «On cherchait la meilleure façon de faire le travail […] et on est arrivés à la conclusion que de mesurer l’empreinte carbone sur l’ensemble de nos investissements et tout ce qui touche nos actions dans les compagnies, ça nous apparaissait le meilleur moyen.»
Il estime en effet que si l’institution s’était limitée au désinvestissement des énergies fossiles, la diminution de l’empreinte carbone aurait été de l’ordre de 19,3%. Or, c’est une «cible beaucoup plus ambitieuse» que comptait atteindre l’université en matière d’investissement responsable, alors que déjà dans 5 ans, elle espère l’avoir diminuée de 30% par rapport à l’évaluation réalisée en décembre 2018.
«Manque de transparence»
«Bien que cette annonce puisse sembler encourageante, la direction de l’Université Laval n’a pas consulté la communauté étudiante pour développer sa nouvelle stratégie d’investissement responsable», déplore quant à elle l’Association des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (AELIÉS) dans un communiqué publié sur son site web.
Selon ce texte publié en réaction à l’annonce, il semblerait que l’AELIÉS, la CADEUL et les regroupements environnementaux universitaires n’auraient pas été consultés par l’administration au sujet de l’adoption de sa nouvelle stratégie d’investissement responsable.
Un processus «frustrant», selon le président de l’AELIÉS, Nicolas Pouliot, puisque les associations se positionnent elles-mêmes en faveur du développement durable : «La transparence avant tout c’est de consulter les acteurs du milieu. Dans tout cet enjeu-là, nous on dénonce le manque de transparence, précise-t-il. En ne consultant pas la communauté étudiante, on étouffe des débats et des questions qui vont ressortir à un moment ou à un autre. Peut-être que ce que l’université propose est la bonne chose, mais on a pas pu participer avec eux au choix de cette nouvelle stratégie-là et c’est dommage.»
«En 2017, on nous a annoncé un retrait complet. À la CADEUL, ce qu’on souhaite, c’est qu’il y ait un désinvestissement dans les énergies fossiles et qu’on investisse plus dans énergies vertes, dans les énergies éthiques et qu’il y ait plus de transparence en ce qui concerne ces investissements.» – Laurence Vaillancourt, CADEUL
Pour la Confédération des Associations d’étudiants et étudiantes de l’Université Laval (CADEUL), l’annonce est en soi une «bonne nouvelle», même si elle diffère de l’engagement préalablement pris par l’université en 2017. «La CADEUL s’inquiète de voir cette promesse rompue suite à l’annonce de ce [jeudi]», a écrit l’association sur sa page Facebook.
«Ce qu’on déplore, c’est qu’on s’était fait dire qu’il y aurait des consultations et finalement il semble qu’il n’y en ait pas eu», ajoute la présidence de la CADEUL, Laurence Vaillancourt, qui estime que l’université aurait gagné à consulter la communauté étudiante.
Du côté de l’administration, on maintient que la transparence et le principe d’amélioration continue sont au cœur des démarches de la stratégie d’investissement responsable. «On veut être le plus transparent possible, on n’a rien à cacher. On croyait l’avoir dit clairement aux assos étudiantes, peut-être qu’elles ne l’ont pas aussi bien compris qu’on aurait aimé qu’elles le comprennent», précise M. Darveau.
Une collaboration au comité-conseil
À la suite de consultations en développement durable, Nicolas Pouliot soutient qu’il avait été demandé que l’Université Laval «augmente sa transparence et son ouverture».
Un comité-conseil sur les investissements responsables a ainsi été mis sur pied il y a un peu plus d’un an, sur lequel siègent notamment des représentants étudiants et des membres de l’administration. Sur son site web, l’Université Laval explique que le mandat du comité-conseil est de «recommander des approches, des pratiques et des gestes à poser en la matière».
Toutefois, selon le président et la présidente des associations étudiantes rencontrées, les chiffres annoncés la semaine dernière n’auraient pas été abordés lors de ces réunions.
La première aurait eu lieu en décembre 2018, lors de laquelle «les orientations de la nouvelle stratégie d’investissement responsable ont été présentées pour recueillir les commentaires de ceux qui allaient devenir les membres du comité-conseil en investissement responsable», selon l’administration. Deux rencontres du comité-conseil ont par la suite suivi en mars et en novembre dernier. La Table de concertation en développement durable s’est quant à elle réunie en novembre également.
«L’ensemble de ces rencontres a fait état de la démarche de calcul par l’empreinte carbone et des éléments permettant une cible plus ambitieuse qui excéderaient en impact le simple désinvestissement des énergies fossiles», ajoute l’administration.
«Déjà en mars dernier on avait des rencontres où on a présenté cette façon de faire, cette mesure de l’empreinte carbone. On a eu quelques rencontres additionnelles, dont au mois de novembre et tout ça a été discuté avec eux [les associations étudiantes]», soutient M. Darveau, vice-recteur à l’administration.
«C’est moi qui siège dessus et le comité s’est rencontré une fois depuis le début de mon mandat au mois de mai. On nous a présenté les quatre axes que l’université voulait prendre, mais jamais on n’a été consultés pour discuter d’actions. Ça a simplement été : voici ce que l’université fait en termes d’investissement responsable», raconte Laurence Vaillancourt.
«C’est toujours frustrant de voir la mise sur pied d’un comité qui demande des heures et des rencontres, mais qui ne sert strictement à rien au bout du compte. On nous propose ces chiffres-là, on est tenu de les accepter, mais peut-être que ça aurait pu être encore plus ambitieux et on ne le saura jamais», ajoute Nicolas Pouliot.
Pour M. Darveau, l’avenir est clair : «On s’engage à travailler avec eux au cours des prochains mois, de la prochaine année, en toute transparence et dans un cadre d’amélioration continue», réitère-t-il. Deux rencontres du comité-conseil en investissement responsable seraient déjà prévues pour l’hiver, en janvier et en avril prochains.