Bruno Marchand reprend le flambeau du projet de tramway de la Ville de Québec, après que le projet ait été mis sur les rails par l’ancien maire de Québec, Régis Labeaume. Répondant aux nombreuses critiques émises, le nouveau maire a tenu à apporter sa couleur particulière à ce méga-projet de transport collectif.
Le tramway de Québec a constitué un enjeu majeur de la campagne électorale municipale de l’automne 2021. Présenté par les un.e.s comme un projet d’avenir indispensable pour la région, il était dénoncé par d’autres, qui s’inquiétaient notamment de ses dépassements de coûts, de la quantité d’arbres abattus lors de sa construction et de l’absence de réelle consultation citoyenne en amont. C’est pour répondre à ces critiques que le maire Marchand a tenu deux points de presse les 25 et 26 janvier, présentant par la même occasion les 10 améliorations qu’il avait promis d’apporter au projet lors des élections municipales de l’automne dernier. Impact Campus a assisté à ces deux points de presse, de même qu’au breffage technique préalable tenu par les membres du Bureau de projet. Voici le compte-rendu de nos observations.
Sur le fond, le projet de tramway ne connaîtra que peu de changements par rapport à ce qui était déjà prévu par l’administration précédente. Ainsi, le tracé du trajet, qui avait été détourné de Charlesbourg vers D’Estimauville pour pallier aux restrictions budgétaires imposées par le gouvernement Legault, n’a pas été modifié. Il comptera donc un total de 29 stations, incluant cinq pôles d’échange (Le Gendre, Sainte-Foy, Université Laval, Saint-Roch et D’Estimauville) qui permettront une connexion avec les trajets d’autobus les plus importants. Questionné par Impact Campus au sujet de l’aménagement du pôle de l’Université Laval, le directeur du Bureau de projet, Daniel Genest, a affirmé que des discussions étaient encore en cours avec l’administration universitaire. Jusqu’à maintenant, il s’agit du seul pôle d’échange dont l’aménagement n’a pas encore été dévoilé. Le maire Bruno Marchand a toutefois exclu de déplacer ce pôle vers le boulevard Laurier, ce qui était revendiqué par des citoyen.ne.s s’opposant à l’abattage d’arbres prévu dans le secteur du boisé Lacerte.
Les fils aériens et la dalle de béton maintenus
Au sujet des fils aériens et de la dalle de béton, c’est également le statu quo. Les experts du Bureau de projet ont justifié le choix d’un tramway alimenté par une ligne aérienne de contact (LAC), expliquant qu’il s’agissait du mode d’alimentation le plus approprié aux réalités climatique et topographique de la Ville de Québec. En raison du climat hivernal, une alimentation par le sol n’aurait pas été possible, car la neige et le verglas risqueraient d’empêcher l’alimentation constante du tramway. Le stockage d’énergie embarqué aurait, quant à lui, augmenté sensiblement le poids des rames du tramway, ce qui rendrait très difficile leurs remontées vers la haute-ville. Il a toutefois été prévu d’enfouir l’ensemble des fils électriques situés en parallèle et en perpendiculaire du tracé du tramway. Par ailleurs, il a été annoncé que 88 % des lampadaires situés le long du tracé seraient mutualisés avec les poteaux du tramway, afin d’éviter l’encombrement visuel du secteur.
L’installation d’une plateforme de béton permettant la circulation exclusive du tramway avait également suscité de nombreuses inquiétudes. La Ville a toutefois assuré que de nombreux carrefours seraient aménagées pour permettre la traversée sécuritaire de la plateforme par les cyclistes et les piétons : il est prévu d’avoir un total de 119 traversées sécuritaires de la sorte le long du tracé, contre 76 sur cet itinéraire dans sa forme actuelle. Les automobilistes pourront continuer d’emprunter le boulevard René-Lévesque à partir des grandes artères perpendiculaires le long du secteur (Maguire, Myrand, Belvédère, Holland, Cartier, etc.), mais les virages à gauche seront interdits dans l’axe du tramway, pour des raisons de sécurité et de fluidité de la circulation du tramway. D’ailleurs, l’objectif avoué de la Ville est d’inciter à l’utilisation de moyens de transport alternatifs à l’automobile pour les déplacements dans le secteur.
Pour un arbre abattu, 20 de retrouvés
En campagne électorale, le candidat Bruno Marchand s’était engagé à préserver de 60 à 70 % dont l’abattage était prévu dans la mouture initiale du projet, de même qu’à replanter vingt arbres pour chaque arbre devant être abattu, ce qui ferait un total de 30 000 nouveaux arbres. L’expert attitré à ce dossier par le Bureau de projet, Alejandro Calderón, a voulu se faire rassurant, en expliquant qu’une analyse individuelle de chaque arbre situé sur le tracé du tramway avait été faite, afin de déterminer s’il était possible et sécuritaire de les épargner de la coupe. Sur les 7 133 arbres situés sur le tracé, la Ville a déterminé qu’il était possible de protéger ou de transplanter 5 549 d’entre eux, soit un total de 78 %. Il faut toutefois souligner que sur les 1 584 arbres qui devront être abattus – un chiffre sensiblement similaire à ce que prévoyait l’administration précédente – 324 sont atteints de l’agrile du frêne – leur abattage était donc inévitable – et 417 sont des arbustes jugés facilement remplaçables. On décompte donc un total de 843 arbres matures qui devront être abattus. Bruno Marchand a cependant assuré que les arbres du secteur du Collège Saint-Charles-Garnier seraient préservés en retirant des voies allouées à la circulation automobile sur le boulevard René-Lévesque. Il a aussi promis que des opérations de reboisement seraient faites pour compenser les abattages prévus dans les secteurs des boisés Rochebelle, Chaudière et Lacerte. La Ville fera également appel à la collaboration des propriétaires riverains pour permettre la plantation d’arbres sur des terrains privés.
Cette question a toutefois suscité certaines critiques de la part des oppositions représentées à l’Hôtel de Ville. Le chef de l’opposition officielle, Claude Villeneuve, a remis en doute le réalisme de la promesse de la plantation des 30 000 nouveaux arbres, tout en saluant la volonté du maire Marchand de poursuivre les efforts vers la réalisation du projet de tramway. La cheffe de Transition Québec, Jackie Smith, s’est dite déçue de voir que le maire n’ait pas réalisé sa promesse de réduire le nombre d’arbres devant être abattus, craignant que cela ne remette en doute l’acceptabilité sociale du projet.
Une volonté d’écoute des citoyen.ne.s
Somme toute, c’est surtout sur la forme et l’approche que l’administration Marchand détonne de l’administration sortante. La présidente du Réseau de transport de la Capitale (RTC), Maude Mercier-Larouche, a présenté le calendrier de consultations publiques prévues par la Ville dès l’hiver 2022 pour permettre aux citoyen.ne.s de formuler leurs propositions au sujet de l’intégration des stations du tramway au sein de l’univers urbain. Des consultations seront tenues pour divers secteurs névralgiques sujets à ces aménagements particuliers, tels les secteurs de l’Avenue Cartier et de la 3e Avenue. D’autres consultations auront lieu en 2023, qui porteront notamment sur l’installation d’un mur antibruit autour du boulevard Pie-XII. Par ailleurs, des bureaux d’information seront déployés à proximité des chantiers afin d’informer et d’entendre les préoccupations des citoyen.ne.s et commerçant.e.s des secteurs touchés.
S’il faut retenir deux idées principales de cette série de points de presse, c’est, dans un premier temps, la ferme intention de l’administration Marchand de poursuivre le développement du projet initié par l’administration Labeaume. Comme l’a souligné le maire Marchand, en raison de la croissance démographique de la région de Québec et l’accroissement prévisible des déplacements quotidiens sur le réseau routier, le statu quo en terme de transport collectif n’est pas possible. Dans un second temps, il faut noter la volonté d’informer et écouter les préoccupations citoyennes au sujet du projet, afin de permettre à la population de « s’approprier le projet ». Dans une situation où près de 43 % des répondant.e.s à un sondage déclaraient être peu ou pas du tout familier.ère.s, en terme de communication publique, le statu quo n’est, encore une fois, pas possible, pour reprendre la formule du maire de Québec.