Crédit photo : Foreign BriefUn avenir incertain pour les Kurdes de SyrieAntoine Morin-Racine·21 janvier 2025ActualitésInternationalSociété Après la chute du régime Al-Assad en seulement 12 jours en décembre dernier, l’avenir des régions autonomes à majorité kurde du nord-est de la Syrie est toujours incertain. Elles qui étaient tacitement alliées à l’ancien gouvernement négocient en ce moment avec les rebelles au pouvoir dans le but de déterminer leur place dans la nouvelle configuration politique du pays. Des négociations pour une paix entre le mouvement de libération armée kurde et l’État turc sont également sur la table. Par Antoine Morin-Racine, chef de pupitre aux actualités Un nouveau gouvernement aligné aux intérêts turcs, mais ouvert à discuter Malgré leur saisie surprise du pays en seulement 12 jours et l’arrivée éclair du nouveau président Al-Sharaa sur la scène internationale, l’opposition syrienne à la dictature de Bashar Al-Assad est loin d’être un phénomène qui date d’hier. Depuis les soulèvements du printemps arabe en 2012, leur répression brutale par le régime et la guerre civile qui s’en est suivie, les différent.es opposant.es au régime Al-Assad ont toujours cherché du support chez les pays voisins et les grandes puissances. Certains groupes à tendance plus islamiste impliqués dans les insurrections du printemps arabe changeront de nom et formeront les bases de l’État islamique en Syrie et en Irak à l’aide de support financier saoudien. Pour les groupes d’opposition du Nord-est syrien, particulièrement les militant.es kurdes, l’arrivée de l’E.I. à leurs portes au milieu des années 2010 les acoquinera aux forces de la coalition internationale menée par les États-Unis contre Daesh. À la suite de plusieurs victoires contre les islamistes, les nouvelles Forces démocratiques syriennes , formées autour des militant.es kurdes du YPG, viendront à contrôler presque un tiers du pays et conclure un accord de paix avec le régime. Pour une partie considérable de l’opposition syrienne (et pour plusieurs déflecteurs de l’État islamique à partir de leur défaite en 2019), c’est cependant la Turquie qui s’avéra la meilleure alliée. Bénéficiant de l’asile et de l’aide militaire de l’armée turque, plusieurs groupes comme Hayat Tahrir Al-Sham (HTS), dont le nouveau président, Ahmed Al-Sharaa, était le chef, mèneront des opérations contre le régime Al-Assad, mais aussi contre les Forces Démocratiques Syriennes (FDS). HTS est une organisation née de la fusion de plusieurs organisations salafistes en 2017 autour du Front Al-Nusra, considéré comme la branche d’Al-Qaïda en Syrie et dont Al-Sharaa était également chef sous son nom de guerre « Abu Mohammad Al-Jolanni ». Le parti était également responsable du gouvernement de certaines parties libérées du pays appelé le « Gouvernement du salut syrien ». Malgré la dette que le nouveau régime doit à la Turquie et le passé terroriste de son président, Al-Sharaa a cependant fait figure de conciliateur depuis qu’il est arrivé au pouvoir. Celui-ci a rencontré plusieurs leaders des communautés minoritaires et tenu des discussions « positives » avec les Forces Démocratiques Syriennes du nord-est. Il est cependant déterminé à intégrer les FDS au sein de l’armée et les combats entre militant.es kurdes et les islamistes ainsi que l’armée turque continuent malgré les discussions « positives ». Un modèle de gouvernement unique au Moyen-Orient Les Kurdes sont un peuple de langue iranienne présent surtout en Turquie, en Iran, en Irak, et en Syrie. Iels forment le plus grand groupe ethnique sans État de la planète. Depuis 2012, les Kurdes de Syrie ont su tailler un gouvernement autonome au régime Al-Assad dans le chaos de la guerre civile et de la guerre contre l’État islamique. Formée autour des principes du confédéralisme démocratique, une idéologie d’inspiration municipaliste théorisée par Abdullah Öcalan, leader du Parti des Travailleurs kurdes (PKK), l’Administration du Nord-Est syrien représente un modèle de gouvernance unique au Moyen-Orient. S’administrant à l’aide de la démocratie de village et, plus largement, du fédéralisme libertaire, prenant en compte la multiethnicité de la région, qui est composée certes de Kurdes, mais surtout d’Arabes, d’Assyrien.nes, d’Arménien.nes et de plusieurs autres ethnies et mettant en pratique une stricte égalité homme-femme, inutile de mentionner que cette forme de gouvernement ne ressemble en rien à l’ancien régime Al-Assad ou au nouveau régime Al-Sharaa. La paix avec la Turquie ? Mais l’avenir trouble des Kurdes de la région pourrait bientôt s’éclaircir, car des discussions ont récemment été amorcées pour conclure un potentiel accord de paix entre le PKK et l’État turc. Embourbés dans une guerre depuis plus de 30 ans, les deux côtés du conflit ont décidé d’entamer des négociations à la vue de la victoire de la faction pro-turque en Syrie. Öcalan, qui est emprisonné en Turquie depuis 1999, a autorisé le parti turc pro-kurde DEM, à commencer les négociations pour un accord de paix avec le PKK. Entre un nouveau président conciliant, mais avec un passé djihadiste et des ouvertures à la paix avec une Turquie dans une position stratégique particulièrement avantageuse, les prochains mois seront déterminants dans l’avenir du peuple kurde. Auteur / autrice Antoine Morin-Racine Voir toutes les publications