Un pipeline à L’UL

Un oléoduc sur les terres de l’Université Laval? C’est bien possible! Dans l’un de ses tracés, la compagnie TransCanada prévoit par le projet Énergie Est, de faire passer un oléoduc sur des terres de recherches appartenant à la faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation.

Laurence Bonin

Le projet de 4 400 kilomètres transporterait 1.1 million de barils de pétrole par jour. Devant cette nouvelle, plusieurs groupes de mobilisations ont organisé diverses rencontres au cours du dernier mois, dont celle du 19 novembre par l’association environnementale Univert Laval à l’Université Laval. Au rendez-vous; Steven Guilbeault et Geneviève Aude Puskas d’Équiterre, Rosa Galvez, spécialiste en ingénierie environnementale, Gilles Gauthier, professeur du département de biologie, ainsi que Jacques Anctil de la Fondation québécoise pour la protection du patrimoine naturel (FQPPN).

Pourquoi un projet d’oléoduc dans la région de la Capitale-Nationale? Nous connaissons tous les fameux sables bitumineux exploités dans la province albertaine, dont le développement est fièrement prôné par le gouvernement canadien. Actuellement, celui-ci prévoit tripler la production pour atteindre 5 millions de barils par jour. Le projet de TransCanada pourrait bien répondre à cette recrudescence de production. Comme nous expliquait Rosa Galvez, depuis l’explosion du train transportant du pétrole à Lac-Mégantic, les compagnies de pipeline ont profité de la situation pour promouvoir les oléoducs comme étant plus sécuritaire que les trains. En fait, l’ingénieure nous affirme que les déversements des pipelines sont bien plus fréquents.

De plus, le projet viserait à sécuriser la consommation énergétique québécoise. Par contre, la consommation actuelle est de 300 000 barils par jour, assure Steven Guilbeault, alors que le projet prévoit un transfert de 1.1 million de barils par jour. C’est à se demander où ira donc tout ce pétrole dont nous n’avons pas besoin se questionne M. Guilbault. Mme Galvez nous explique qu’une grande demande s’est créée puisque le Canada est le marché potentiel le plus important des États-Unis en matière de pétrole en vue de se détacher des marchés africains et du Moyen-Orient.

Quels sont les risques inhérents à ce projet? En plus du réchauffement planétaire prévu de 1.5 à 5 °C dans les 150 prochaines années, Steven Guilbeault affirme que la dépendance canadienne au pétrole n’apporte rien de bon. Les sables bitumineux sont ceux qui produisent le plus de gaz à effet de serre parmi tous les types d’extraction du pétrole, « le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde», alerte M.Guilbeaut en rappelant les effets négatifs sur notre environnement. Sans parler de la quantité faramineuse d’eau et de produits chimiques nécessaires au processus. « Nous consommons autant d’eau à tous les jours pour la production du pétrole albertain que pour alimenter la ville de Montréal, même si nous recyclons l’eau 3 ou 4 fois» . C’est à y réfléchir…

Certes, il y a l’argument économique. On ne peut nier que les sables bitumineux génèrent des profits, mais à qui ces profits reviennent-ils? Toujours selon Steven, 94% des retombées économiques reviennent à l’Alberta et seulement 6% sont redistribués à l’ensemble des provinces. Cette production engendre également des dépenses énergétiques supérieures à la production standard de pétrole, ce qui la rend beaucoup moins rentable.

Lors d’une rencontre avec la compagnie TransCanada, Jacques Anctil s’informa sur les mesures de sécurité qui seraient prises en raison d’un déversement. La compagnie lui affirma que les valves seraient fermées en 13 minutes tout au plus, «13 minutes qui représente un déversement d’environ 10 000 barils» s’inquiète Anctil. Aucun plan d’intervention ou de formations ne sont prévus pour les premiers intervenants, une responsabilité qui reviendrait aux municipalités selon TransCanada.

Jacques Anctil affirmait également que la compagnie serait en mesure d’exproprier tous les propriétaires terriens en travers de son chemin. Par contre, Mme Puskas, agente de mobilisation chez Équiterre, répliqua que la compagnie pourrait bien exproprier 10, 20 et même 100 personnes, mais si tout le Québec se mobilise, il lui sera difficile de contrer tous les citoyens.

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