Quand le théâtre rend plus léger

Jean-François Lessard, le metteur en scène du spectacle, tient à mettre les choses au clair. «Il s’agit d’un spectacle professionnel. Les participants ont fait leur bout de chemin à travers les ateliers qu’on a faits avec eux. S’ils sont là, c’est parce qu’ils sont capables de le faire», atteste celui qui est également, depuis 2002, directeur général et artistique d’Entr’actes. Fort d’une quinzaine d’années d’expérience, cet organisme offre aux personnes vivant avec un handicap physique ou intellectuel de participer à des ateliers d’expression théâtrale appuyés par des artistes professionnels.

Bien qu’il doive composer, dans le cadre de son travail, avec les limitations qu’imposent un handicap, Jean-François Lessard n’avait cependant jamais abordé directement cette réalité dans une production. «Habituellement, les participants sont amenés ailleurs. Là, le médium est véritablement le message. C’est une première et ça confirme toute la pertinence d’Entr’actes, je crois», avance-t-il. Il ne s’agit toutefois pas d’une œuvre moralisatrice, au contraire. «C’est un texte grinçant et pas du tout politically correct», maintient le créateur. L’inspiration de l’auteur, Serge Bonin, découle directement de discussions et d’improvisations effectuées avec Jean-Simon Cantin, Olivier de la Durantaye, Nicolas Létourneau et Sophie Martin, les quatre comédiens.

Cette démarche particulière d’échange et d’entraide leur a permis d’explorer leurs différences, leurs limites, leurs rêves. «Au début des ateliers on n’ose pas trop, mais à la fin on parle plus. On aborde les tabous comme le droit, pour des personnes handicapées, de rêver de gloire et de reconnaissance, d’espérer avoir des enfants», soutient Jean-François Lessard. Un questionnement fondamental qui est difficile pour ceux qui vivent avec un handicap, mais aussi pour les autres, considérés comme étant «normaux» : «On réalise aussi quelles sont les limites de la ‟normalité”», assure l’homme de théâtre.

Apprivoiser l’imperfection
En mettant sur pied ce spectacle, Jean-François Lessard a donc dû redéfinir en partie sa conception de la mise en scène puisqu’il a appris, entre autres, à apprivoiser l’imperfection. «Ça fait quinze ans que je monte des shows et j’ai toujours aimé que les affaires ‟rentrent au poste”. Travailler avec ces comédiens, c’est apprécier que tout ne soit pas parfait. Ce n’est pas facile à une époque où l’on fait l’apologie de la performance!», lance le metteur en scène, qui insiste pour dire que ce grain particulier fait partie de la beauté de la prestation. «On ne vise pas à faire oublier le comédien derrière le personnage. On les voit jouer. On n’oublie pas, et c’est tant mieux. On veut montrer que, pour eux, le théâtre est une façon de s’élever et d’enlever, justement, le ciment sur leurs ailes», conclut-il.

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