A Complete Unknown : Bob Dylan, de jeune nobody à jeune superstar

Après I’m Not Here (2007), un film polyphonique qui révélait les différentes facettes du personnage énigmatique qu’est Bob Dylan sous les traits de six acteurs différents, la vie du barde nobélisé est de nouveau portée au grand écran, dans un biopic musical plus conventionnel de James Mangold, qui vise néanmoins tout à fait juste autant dans son contenu que dans sa forme. 

Par Jacques Martin, journaliste collaborateur

A Complete Unknown s’ouvre avec l’arrivée dans le Greenwich Village au début des années 1960 du jeune Robert Zimmerman. Celui-ci débarque de son Midwest natal afin de percer dans la scène folk alors émergente dans ce quartier de New York. Le jeune Dylan aura la chance d’être pris sous l’aile de Pete Seeger (Edward Norton, qui excelle en mentor un peu ringard), qui l’encourage dans ses efforts de composition. À la suite de l’excellent Inside Llewyn Davis (2013) des frères Coen, le film recrée de manière convaincante et attrayante les cafés enfumés fréquentés par la bohème new-yorkaise de l’époque. Les moments marquants de cette période turbulente de l’histoire américaine, comme la crise des missiles de Cuba, viennent aussi habilement ponctuer le récit.

Ce n’est pas un mince défi que d’incarner une figure aussi mythique que Bob Dylan : reprendre à son compte la voix nasillarde si distinctive du chanteur, autant en parlant qu’en chantant, sans tomber dans la vulgaire caricature relève du prodige. Timothée Chalamet relève le défi avec un brio tout à fait étonnant, qui saura clouer le bec à ses plus fervents détracteurs – avec, en tête de file, l’auteur de ces lignes… Que ce soit en jeune musicien blanc bec un peu narquois ou en célébrité ténébreuse en quête de provocation, Chalamet livre une performance mesurée qui nous fait adhérer pleinement à son personnage. Il s’avère également un très bon interprète des chansons de Dylan, n’exagérant pas non plus dans ses prestations la voix idiosyncrasique du chanteur.

Outre Norton, Chalamet est entouré d’une très solide distribution secondaire : on remarque son indéniable chimie avec Elle Fanning, qui incarne une version – à peine – romancée de Suze Rotolo, compagne de Dylan à l’époque. On reconnaît également l’excellent travail de Boyd Holbrook en Johnny Cash, sujet d’un précédent biopic de Mangold, qui fait figure de malin génie pour le jeune Bob, lui intimant de suivre son désir de provocation. C’est ce désir de provoquer qui est également le point culminant du film, alors que Dylan tourne le dos au mouvement folk du début des années 1960 en livrant une performance électrique – et électrisante – au festival folk de Newport de 1965.

Sans réinventer la roue, A Complete Unknown s’avère être un film agréable et bien satisfaisant pour les amateur.rices de Bob Dylan et pour toustes celleux qui aiment les belles scènes d’époque des années 1960. James Mangold livre ainsi un récit initiatique très réussi d’un homme ayant toujours conservé une aura de mystère autour de sa propre histoire.

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