Blackbird : Saisir le malaise

Quinze ans après les faits, Una (Gabrielle Ferron), maintenant âgée de 27 ans, confronte Ray (Réjean Vallée), l’homme qui, jadis âgé d’une quarantaine d’années, l’a agressée. La pièce écrite par David Harrower et mise en scène par Olivier Lépine raconte une histoire violente dans laquelle les termes amour et agression sont utilisés pour désigner la même série d’événements. Au Périscope du 16 février au 5 mars.

Texte : David Harrower | Mise en scène : Olivier Lépine | Distribution : Gabrielle Ferron et Réjean Vallée | Compagnie : L’Apex Théâtre

Par Emmy Lapointe, rédactrice en chef

 Malaise palpable
La pièce s’ouvre (et se fermera) sur une salle à manger quelconque d’une entreprise quelconque qu’on pourrait retrouver dans n’importe quel quartier industriel quelconque. Et au milieu de cette salle déprimante, parmi les déchets jonchant le sol, deux comédien.ne.s déjà en place.

Les premières répliques de la pièce retentissent et je n’arrive pas à dire si ce sont les comédien.ne.s qui accrochent sur le texte ou si c’est le texte qui est malhabilement hachuré.

Les premières scènes passent et les bugs s’amenuisent, mais le malaise persiste. Certes, le sujet est lourd, mais mon malaise ne vient pas de là. Ce que je veux dire, c’est qu’en 2022, le subversif est difficile à atteindre, et c’est ok comme ça, même que les pièces qui tentent de l’atteindre à tout prix, ça peut tomber sur les nerfs. Et je ne pense pas qu’avec Blackbird, on soit devant une tentative de subversion, mais dans tous les cas, le malaise ne me quitte pas.

J’interroge alors mon inconfort, je cherche sa source. Ce n’est pas les comédien.ne.s – Gabrielle Ferron et Réjean Vallée sont assez justes et solides -, ce n’est pas non plus la scénographie qui, il me semble, se rend volontairement invisible.

Je suis à la moitié de la représentation quand je comprends que le problème, c’est le texte.

Un bâton dans les roues
Le texte sonne faux. La façon dont il est scindé pour les coupures de dialogue, les changements de ton, la trame temporelle, bref, quelque chose cloche dans l’engrenage. Et je pense que c’est ce tarabiscotage textuel qui enlève une bonne partie de la fluidité à la mise en scène. Les déplacements, voire l’ensemble des didascalis ne semblent avoir aucune fonction narrative si ce n’est de remplir l’espace de peur que l’espace finisse par tout avaler.

Je dois tout de même concéder une prouesse au texte et à la pièce en générale : celle de permettre à la fois une certaine reprise de pouvoir de la victime et celle de forcer un début de sympathie pour l’agresseur, ce qui déconcerte assurément.

Crédits photos : David Mendoza Hélaine

Auteur / autrice

Consulter le magazine