Bo Burnham : Inside est un long-métrage américain sorti le 30 mai 2021 sur Netflix. Il est écrit, réalisé, filmé, monté et interprété par le comédien et musicien Bo Burnham. Le film explore les démons intérieurs du jeune acteur confiné dans son petit appartement, pendant une année complète et en pleine pandémie. Une panoplie de sketchs musicaux dépeignent son état d’esprit et sa vision du monde, non sans humour… et maladresse.
Par William Pépin, journaliste web
Ce special (spectacle d’humour) a pour particularité de ne pas vraiment en être un. Sans public pour l’applaudir ni scène pour l’accueillir, Bo Burnham est cloîtré dans son studio et ne peut compter que sur sa créativité pour y faire émerger un peu de lumière. D’entrée de jeu, nous pouvons saluer son talent à jouer de l’image : aucun plan ne se ressemble parmi les nombreux sketchs musicaux qui s’enchaînent avec fluidité. La musique est d’ailleurs l’un des points forts du projet.
Parodier notre époque
Burnham dépeint un portrait de l’ère du temps en parodiant plusieurs facettes de notre société, notamment avec sa chanson White Woman’s Instagram où il se moque de la superficialité des réseaux sociaux. Jeff Bezos, l’homme le plus riche de la planète, n’est pas épargné et on sent chez Burnham la volonté de pointer du doigt les failles d’une société aux fondements patriarcaux. Le morceau How the World Works constitue une mise en abîme intéressante de l’oppression des classes sociales par les puissants. Même si les propos de Burnham ne sont pas amenés de la manière la plus originale qui soit, sa mise en scène éclectique et ses compositions musicales leur restituent une pertinence certaine.
En parallèle, le comédien parodie nos comportements en temps de pandémie, notamment avec le sketch FaceTime with My Mom (Tonight) ou Look Who’s Inside Again. Malgré l’apparente simplicité des textes, nous aurions tort de les interpréter au premier degré : l’ennui, la dépression et les angoisses de l’artiste sont trois métaphores majeures qui filent la majorité du long-métrage.
Entre deux chaises
La force du film réside dans sa créativité. Chaque plan, construit dans la contrainte d’un espace restreint, est parfaitement calibré pour servir le propos de Burnham. L’exemple de la parodie des comptes Instagram est parlant : Burnham restitue avec succès tous les clichés que nous pouvons rencontrer sur le média social. Les compositions de Burnham sont également d’une grande qualité, rien de surprenant à cet égard lorsque l’on connaît un moindrement son parcours musical.
Burnham peine cependant à jongler efficacement entre un humour de youtubeur qui commence à dater et des sujets plus sérieux comme la maladie mentale. Cet entre-deux qui construit tout le film nuit à son rythme en ceci que nous sommes toujours plongés dans une sorte d’état léthargique. Autrement dit, le film n’est ni vraiment drôle, ni vraiment touchant. Malgré l’authenticité émotionnelle que tente de créer le réalisateur, nous peinons à ressentir quoi que ce soit. Tout sonne construit. Artificiel.
Malgré ses défauts et sa maladresse de ton, Bo Burnham : Inside est un bel exemple de proactivité dans l’adversité. La créativité est à l’honneur et on peut reconnaître à l’artiste son talent, mais aussi son initiative de documenter son expérience du confinement. Même si nous n’en sortons pas changés, le film nous laisse sur une impression d’engourdissement, comme si nous venions d’échapper à un sommeil tantôt revigorant, tantôt agité. C’est peut-être bien ce qui fait la force d’Inside : ses contradictions.
Crédits photo : Eden, Janine and Jim