Les bons débarras : en honneur à Réjean Ducharme

Connue des plus vieux, méconnue des plus jeunes, l’œuvre de Réjean Ducharme est un incontournable du répertoire culturel québécois. Se plongeant au cœur de notre imaginaire collectif, Les bons débarras, présentée au Trident, jette un regard neuf sur une œuvre lointaine et, en même temps, pas si lointaine que ça.

La pièce, inspirée du film culte scénarisé par Réjean Ducharme et réalisé par Francis Mankiewicz, raconte une histoire banale, sur des personnages qui ne sortent pas de l’ordinaire et qui vivent une vie des plus normales. Cependant, c’est dans cette grande banalité que se trouve toute la beauté de la pièce. De ces personnages vivant une réalité loin d’être extraordinaire naît une histoire réellement touchante.

De ces personnages naissent aussi des relations si belles et si laides à la fois. À commencer par la relation mère-fille dans laquelle Michelle et Manon s’entredéchirent. Toutes deux s’aimant tellement, mais ne sachant pas comment bien l’exprimer. Tout au long de la pièce, elles se crient qu’elles s’aiment, mais pourtant, personne ne s’entend, n’ayant pour résultat que de les écorcher encore plus. Il y a aussi Ti-Guy, qui, alourdi d’un handicap, dépend de Michelle et Michelle qui dit ne dépendre de personne mais qui, au fond d’elle, dépend de l’amour de tous. Tous  essaient de se faire du bien, mais finissent par se faire du mal.

Mise en scène par Frédéric Dubois, la pièce fait rire et fait frissonner de par ses dialogues poignants et de par l’excellent jeu de l’entièreté de la distribution. À débuter par Érika Gagnon dans le rôle de Michelle, autour de qui toute la pièce gravite. Elle incarne de façon superbe une mère qui tente tout ce qu’elle peut pour plaire à tous et pour rendre sa famille heureuse, jusqu’à en oublier son propre bonheur. Il y a sa fille Manon, qui est haïssable autant qu’elle est adorable; elle blesse comme seul un enfant peut le faire, sans même s’en rendre compte et dans le seul but d’aimer.

Manon est incarnée en alternance par Léa Deschamps et Clara-Ève Desmeules, toutes deux âgées de 13-14 ans : choix du metteur en scène qui tenait à ce que Manon soit interprétée par un enfant afin de garder la pureté et la maladresse qui leur est unique. Cette excellente distribution, entourée d’un travail de mise en scène remarquable, a su rendre justice à l’œuvre si appréciée de Réjean Ducharme.

Le seul petit bémol réside dans l’utilisation de l’espace. Le seul décor réside dans une niche pour chien, une corde de bois et un rectangle placé au centre, où les acteurs déambulent. Bien que la sobriété du décor réside dans un désir que la pièce soit écologique, il reste beaucoup d’espace vacant donnant un certain sentiment de vide à une pièce qui est loin de l’être.

Cependant, à la toute fin, le rectangle central se transforme en une patinoire où les acteurs ferment la pièce chaussés de patins. Ce petit clin d’œil supplémentaire à cette grande tradition québécoise ferme bien la pièce et laisse le spectateur avec un sourire aux lèvres.

La pièce Les bons débarras est présentée jusqu’au 26 novembre prochain, au Trident.

4/5

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