Le bruit des moteurs : lorsque le talent naît sous nos yeux

Véritable coup de cœur personnel de la 50e édition du Festival du Nouveau Cinéma de Montréal, Le bruit des moteurs reste en tête. Il s’accroche. Ses images — impeccables — illuminent encore mon esprit dans un mélange de fascination et d’admiration, non sans laisser l’impression d’un sentiment d’irrésolution. Pour moi, ce film est une énigme fondée sur un paradoxe : tout y est clair, les réponses sont sous nos yeux, tout semble si limpide, et pourtant, le mystère identitaire demeure entier. Philippe Grégoire laisse aux cinéphiles le soin de trouver la clé : il fait confiance.

 Par William Pépin, chef de pupitre aux arts

Réalisation et scénario : Philippe Grégoire | Distribution : Robert Naylor, Marie-Thérèse Forint, Tanja Björk, Naïla Rabel, Marie-Thérèse Fortin, Alexandrine Agostini, Marc Beaupré et Maxime Genois | Sortie en salle : 25 février 2022

Synopsis : Alexandre, un formateur pour l’armement des douaniers canadiens, retourne à son village natal après avoir été diagnostiqué par son employeur pour sexualité compulsive. Alors qu’il se lie d’amitié avec une pilote de course islandaise, le protagoniste se voit placé sous surveillance par des enquêteurs de la police qui travaillent à faire la lumière sur une affaire de dessins à caractère sexuel qui trouble la paix au village.

Capsule temporelle

Tel que mentionné ci-haut, Le bruit des moteurs est mon coup de cœur du FNC 2021. Je me permets de vous partager mes impressions (à chaud), qui ont suivi mon premier visionnage :

Pour un premier long métrage, je ne peux qu’être impressionné par le talent de Philippe Grégoire, qui porte ici trois chapeaux : celui de réalisateur, de scénariste et de coproducteur. Tout y est : une direction artistique impeccable, un scénario qui permet de jongler efficacement entre moments sérieux, cérémonieux et comiques, des acteur.trice.s fantastiques… Le bruit des moteurs, c’est l’incarnation d’un talent prometteur. Par la poésie de l’image, on assiste à une quête sans fin d’un chez-soi qui ne viendra sans doute jamais, mais aussi à une recherche d’identité déchirante qui, en apparence indénouable, laisse l’espoir mariner.

Une photographie au panthéon

Je m’en voudrais de ne pas souligner mon admiration pour le travail de Shawn Pavlin, le directeur de la photographie. Sa vision, conjuguée à celle de Philippe Grégoire, offre les plus belles images que j’ai vu au cinéma depuis un bon bout de temps. Leur symbiose est flagrante, touchante. La variété des décors y est sans doute pour quelque chose : il n’y a pas une image fade. À bien des égards, j’oserais la comparaison avec Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma dans lesquels tous les plans sont soignés, pensés, dignes d’une fresque. Si vous aimez le cinéma, vous devez voir Le bruit des moteurs en salle. D’ailleurs, si vous habitez dans la région de Québec, sachez que les cinémas Le Clap présentent le long métrage à partir d’aujourd’hui.

© H264 Distribution

Un succès critique

Le film de Philippe Grégoire connaît un beau succès à l’international. Il a été sélectionné dans 25 manifestations dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, le Brésil, la Colombie, la Corée du Sud, les États-Unis, la France, l’Islande, l’Italie, le Mexique, la Pologne et le Royaume-Uni. Le long métrage a également remporté le Prix spécial du jury international à La Roche-sur-Yvon et le Prix Premio Competencia à Los Cabos. Ce n’est pas tout : Le bruit des moteurs a obtenu, lors du Festival du Nouveau Cinéma à Montréal, le prix Québecor destiné à saluer le meilleur espoir de la compétition. C’est mérité.

© Stéphane Moukarzel

J’ai eu l’immense plaisir de m’entretenir avec Philippe Grégoire au sujet du Bruit des moteurs. Lui et moi avons abordé plusieurs thématiques, notamment celles de l’altérité et de l’identité. Le cinéaste nous amène à comprendre son rapport aux autres, au monde, et comment ceux-ci le nourrissent artistiquement :

« L’altérité, comment je l’ai vécue et comment je l’ai transposée dans le film, c’est en observant, lorsque j’allais dans les festivals de films à l’extérieur, la manière dont le Canada pouvait être perçu. Je me demandais : qu’est-ce que le Canada pour les festivaliers? Je discutais avec eux et les cinéastes, qui me parlaient de leur façon de faire des films. Ils me parlaient de leurs expériences, moi je leur parlais des miennes. Ça me permettait de voir que mon expérience n’était pas vraiment différente. Pour moi, il y avait cette idée-là de rencontre avec l’autre pour cheminer. »

– Philippe Grégoire

© H264 Distribution

Les tons : un travail d’équilibriste

Parfois drôle, parfois angoissant, souvent introspectif et aux frontières de l’onirisme, le film de Philippe Grégoire prouve que ce dernier réussit à manier l’art délicat de conjuguer différentes tonalités sans toutefois semer la confusion. Ce que je considère comme une technique parfaitement maîtrisée de sa part a été pour le réalisateur un véritable terreau d’apprentissages :

« J’ai voulu apprendre avec ce film-là. C’est mon premier film. Je n’avais pas la pression d’attirer l’attention, […] je pouvais me permettre de faire un cinéma que j’avais envie de voir, un cinéma de cinéphile, qui propose une certaine originalité. Donc, pour moi, tester, aller chercher un peu les limites, c’est là où je [devais] aller. »

– Philippe Grégoire

© Crédits photo : H264 Distribution

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