Difficile, pour le cinéphile, de ne pas être rabat-joie quand vient l’été : dans les salles sombres, les beaux mois sont ceux de la saison morte. Et s’il y avait des degrés dans la mort, cet été 2018 se classerait très, très profondément : mis à part Tom Cruise qui a de nouveau épaté la galerie avec Mission Impossible, Dieu qu’on s’est emmerdé ! Heureusement, voici venu l’automne : les choses sérieuses commencent. Portrait d’une saison faste en dix films.
7 septembre 2018 : BlacKkKlansman, de Spike Lee. On pourrait recycler ici tout un paragraphe sur les inégalités de la distribution : le tout nouveau film de Spike Lee (Malcolm X), pourtant couronné du Grand Prix à Cannes, atteindra les salles de Québec avec un bon mois de retard sur Montréal. Les critiques ont célébré dans ce nouveau long-métrage du porte-étendard du cinéma afro-américain le meilleur film du trublion depuis une bonne décennie. Le réalisateur militant y met en scène un détective noir qui, avec l’aide de son co-équipier, infiltre le Ku Klux Klan du grand Sorcier David Duke. Inspiré d’une histoire vraie, pas subtil pour deux sous, mais d’une rare pertinence – surtout en cette époque où les encagoulés relèvent la tête…
21 septembre : La disparition des lucioles, de Sébastien Pilote. Personne ne nous a autant ému ces dernières années que Sébastien Pilote. Le réalisateur, originaire du Saguenay, a su en à peine deux films (les magnifiques Le vendeur et Le démantèlement) s’illustrer comme l’un des chefs de file du nouveau cinéma québécois. Avec La disparition des lucioles, qu’il décrit comme son œuvre la plus accessible – ses deux précédentes offrandes étaient plutôt austères –, le cinéaste de 45 ans nous plonge dans l’adolescence de Léo (Karelle Tremblay), une jeune fille qui trouve un second souffle au contact de son prof de guitare (Pierre-Luc Brillant). La première aura lieu le jeudi 13 septembre dans le cadre du Festival de cinéma de la Ville de Québec.
12 octobre : The Sisters Brothers, de Jacques Audiard. L’enfant terrible du cinéma français, réalisateur d’Un prophète, de De rouille et d’os et de Dheepan (Palme d’or à Cannes en 2015), qui, dans le cadre de sa première production américaine, s’attaque au western, le genre yankee par excellence ? Avec Joaquin Phoenix, Jake Gyllenhaal, John C. Reilly et Riz Ahmed comme têtes d’affiche ? Dire qu’on meurt d’envie de voir le résultat relève de l’euphémisme. La bande-annonce, complétement éclatée, laisse présager le meilleur – et une bonne dose d’humour, alors qu’Audiard nous a habitué à un cinéma rude, sinon brutal.
12 octobre : First Man, de Damien Chazelle. Un autre jeune prodige : le cinéaste trentenaire Damien Chazelle, révélé par le fantastique Whiplash et oscarisé pour le superbe La La Land, s’attaque cette fois à un véritable monument : Neil Armstrong, le premier homme à avoir marché sur la lune. Ryan Gosling interprète l’astronaute, alors que la toujours excellente Claire Foy (The Crown) prête ses traits à son épouse. Lancé à la Mostra de Venise il y a quelques jours, le drame biographique a jusqu’à maintenant récolté une véritable pluie d’étoiles…
16 novembre : Veuves, de Steve McQueen. Quatre braqueurs sont abattus par la police lors d’un vol qui tourne mal, laissant leurs veuves face aux menaces d’une bande criminelle. Rarement aura-t-on vu autant de noms prestigieux autour d’un même projet : Gillian Flynn, la femme derrière le Gone Girl de David Fincher, signe le scénario de ce long-métrage réalisé par Steve McQueen (12 Years a Slave, Shame, Hunger). Quant à l’incroyable distribution, elle compte notamment dans ses rangs Viola Davis, Michelle Rodriguez, Colin Farrell, Liam Neeson, Daniel Kaluuya (Black Mirror, Get Out), Jacki Weaver et Robert Duvall. À faire rêver.
23 novembre : The Favourite, de Yorgos Lanthimos. Le cinéaste grec, à qui l’on doit les inclassables The Lobster et The Killing of a Sacred Deer, n’est jamais là où on l’attend : le voici cette fois qui propose… un film à costumes ! The Favourite s’intéresse aux intrigues de boudoirs à la cour d’Angleterre, sous la reine Anne, de piteux souvenir. Olivia Colman (Broadchurch, The Night Manager) prête ses traits à la souveraine alors que Rachel Weisz (vue cet été dans Disobedience, et l’une des meilleures actrices de ces dernières années) interprète la favorite et Emma Stone (La La Land), sa rivale. Ça sent la satire et l’humour corrosif à plein nez… Et on salive déjà !