Joséphine Bacon est absolument lumineuse. Ses yeux, vifs et rieurs. Grande force tranquille, elle sème l’émerveillement au fil de ses marches. Je m’appelle humain lui rend justice en juxtaposant sa voix aux images, en la laissant se raconter.
Le film, réalisé par Kim O’Bomsawin et sorti en novembre dernier, est un documentaire poétique comme il s’en fait rarement. Joséphine Bacon y dévoile la poésie de l’innu-aimun, parle du nutshimit : l’intérieur des terres. C’est là que se trouvent les remèdes, la nourriture, tout ce dont l’Innu a besoin pour vivre. Elle le compare avec humour à IGA, à Jean Coutu.
« Moi, j’appartiens à nutshimit, mais elle ne m’appartient pas. »
Avant même de commencer à écrire, suite à un rêve de Laure Morali, Joséphine Bacon était déjà poète. Ses textes constituent l’héritage que lui ont légué les anciens. Ils préservent leur savoir.
« On n’avait pas besoin d’avoir le mot poème ou poésie dans notre langue, parce qu’on était poètes juste à vivre en harmonie avec l’eau, avec la terre. »
Ses récits et son quotidien sont rythmés par la poésie. Elle revisite les lieux de sa jeunesse à Montréal, parle de ce qu’il y avait avant, des endroits où elle se rendait, d’une joyeuse itinérance qui lui rappelait le nomadisme de ses ancêtres, à vivre de ce qu’ils trouvaient. Et pendant qu’elle raconte, des images actuelles et d’archives, qui viennent parfois de ses propres films, s’entrecroisent. Des enregistrements vocaux de ses entrevues avec les anciens viennent enrichir le récit.
Comme il faut aussi parler des pensionnats, c’est en réponse aux questions de Marie-Andrée Gill qu’elle le fait ou en jasant avec une amie d’enfance, qui décrit le choc culturel : « C’était comme si j’étais envoyée dans une cage. » Joséphine Bacon y a passé 14 ans de sa jeunesse, allant à l’église quatre fois par semaine.
Elle se déplace avec sa canne ou sur le dos de Marie-Andrée Gill. C’est avec cette dernière qu’elle se rend dans la toundra, dans le nutshimit, à bord d’un petit avion. Elles y rencontrent Papakassiku, le maître du caribou.
« Tue-moi
si je manque de respect à ma terre
Tue-moi
si je manque de respect à mes animaux
Tue-moi
si je reste silencieuse
quand on manque de respect
à mon peuple »
Le documentaire laisse Joséphine peu à peu se dévoiler, mais elle préfère parler des autres que d’elle-même, partager sa culture, son héritage. Et l’omniprésence de la poésie marque le film, en fait une œuvre d’art comme il s’en fait peu.
« Je me suis faite belle
pour qu’on remarque la moelle de mes os
Survivante d’un récit
qu’on ne raconte pas »
Joséphine Bacon est poète et réalisatrice innue, lauréate de plusieurs prix. Ses recueils bilingues sont publiés chez Mémoire d’encrier. Je m’appelle humain est disponible en location sur Vimeo et, depuis le 15 décembre, sur iTunes.