Photo : Courtoisie, David Mendoza

Confidences sur la mort

Alexandre Fecteau et son collectif Nous Sommes Ici nous présentent enfin leur cinquième création. D’abord planifié pour ouvrir la saison d’automne du Périscope, le docu-théâtre Hôtel-Dieu prend la scène du théâtre jeunesse Les Gros Becs jusqu’au 3 février prochain. 

Le metteur en scène et auteur émérite s’entoure de plusieurs collaborateurs de longue date pour ce triptyque sur la souffrance, le deuil et les rituels : François Leclerc à la conception sonore, Ariane Sauvé aux décors, Louis-Robert Bouchard à la conception vidéo et un nouveau venu à l’éclairage, Mathieu C.Bernard. Les quatre ont très bien cerné la vision de Fecteau et leur travail sert parfaitement le sujet difficile qui nous est présenté. Les comédiens sur scène n’en sont pas, ils sont des experts par les épreuves difficiles qu’ils ont vécues. Ils sont d’ailleurs les mieux placés pour nous émouvoir avec leur vérité et leur fébrilité, aucun acteur n’aurait pu jouer plus juste.   

D’abord on retrouve sur scène pour le volet sur la souffrance, trois femmes au passé différent, mais unies dans l’épreuve de la maladie. Jacynthe, une infirmière aux soins palliatifs de l’Hôtel-Dieu, Chantal, une danseuse contemporaine atteinte de la sclérose en plaques, et Ana Maria, une étudiante originaire de Colombie survivante d’une maladie très rare du sang nous confient leur vie. Sous forme de monologues entrecoupés, elles se livrent sans filtre leurs impressions sur la maladie et comment elles ont apprivoisé la mort à force de la côtoyer de près. Un sujet qui peut être lourd et confrontant pour un spectateur, mais Fecteau a su alléger le ton en y mettant de l’humour et en rythmant les témoignages dans l’espace et le temps. Ce qui ressort de ce premier acte est la soif de vivre de ces trois femmes inspirantes. 

Ensuite vient le deuil, Chantal reste sur scène pour raconter le suicide de son fils. Vient la rejoindre Jasmin, journaliste culturel, et Louis-Olivier, improvisateur, tous les deux ont perdu une soeur par le suicide. On fait aussi la connaissance de Michèle, blogueuse, ayant perdu sa fillette avant le terme de sa grossesse, et Guillaume, comédien, qui a été renié par sa famille et ses amis témoins de Jéhovah afin d’assumer qui il est, un homosexuel. Cinq drames différents s’enchaînent et se font écho dans une chorégraphie réglée au quart de tour. Une fois de plus Fecteau nous permet de nous détendre un peu en ciblant les bons moments pour nous faire sourire et parfois rire. La résilience que démontrent les cinq experts de ce tableau peut nous étonner. 

Un troisième acte confus

Arrive l’entracte, après près de deux heures d’émotions intenses, ce qui nous permet de nous changer les idées avant le troisième acte sur les rituels. Avant de reprendre le spectacle, les experts viennent chercher tour à tour une trentaine de personnes dans la salle et les amènent derrière le décor. 

Pour les autres spectateurs qui sont restés dans la salle une projection commence et nous faisons la connaissance de l’artiste multidisciplinaire Ludovic Fouquet qui parle, d’un ton un peu cérémonieux, du décès de sa soeur et de comment sa famille et lui l’ont veillée durant quatre jours. Son témoignage alterne avec les rituels que les sept autres experts ont pour s’évader de leur moment de détresse. Le tout se déroule toujours derrière la scène dans un décor caché et nous est montré grâce à une captation simultanée par des caméras fixes et une vidéaste. Bien que la technique soit impeccable, le tout manque un peu de dynamisme. L’alternance qui opérait si bien dans les deux actes précédents devient lourde et confuse. Mis à part l’enregistrement de Ludovic, tout est maintenant en narration, ce qui nous fait perdre le fil des confidences. 

Même si Fecteau a l’habitude de la vidéo et de faire participer le public, l’expérience d’immersion et de confrontation pour les spectateurs qui assistent aux rituels crée plus un malaise qu’une expérience émotionnelle. Peut-être que les spectateurs-participants vivent pleinement l’expérience, mais les autres attendent avec impatience la tombée du rideau. Malgré le troisième acte moins réussi, Alexandre Fecteau parvient à faire une fois de plus une oeuvre originale, intime et nécessaire. Hôtel-Dieu est une pièce qui traite de sujets sombres et nous les rend plus lumineux.

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