Couchés en étoile dans la combustion lente des jours : une ode au chaos

Après la publication d’un premier recueil intitulé Kérosène aux Éditions Fond’tonne, Sophie Jeukens revient avec Couchés en étoile dans la combustion lente des jours, un texte poétique à nouveau marqué par les flammes turbulentes d’une intimité se dévoilant un mot à la fois. Dépassant à peine les soixante-dix pages, cette nouvelle proposition éditée aux Éditions de Ta Mère se laisse dévorer, mais se laisse surtout revisiter : une fois le livre terminé, on le pose, puis on se surprend à le reprendre, le relire, le reposer, puis le feuilleter une énième fois. Parfait pour une lecture estivale, entre deux roadtrips à Gaspé et deux festivals.

Par William Pépin, chef de pupitre aux arts

Carnet de rencontres

Plus qu’un recueil de poésie, Couchés en étoile dans la combustion lente des jours est également une sorte de carnet de voyage, où la poète exploite (entre autres) maintes turbulences affectives tout en y déployant une sensibilité littéraire exceptionnelle. On y fait doucement le tour du monde : de Marseille à Chicago, de Portland à Sherbrooke en passant par la Martinique, nous terminons notre course dans la cuisine de la poète, dans l’espoir d’un ailleurs sans fumée. Pour ma part, c’est la première fois que je tombe sur une œuvre de Sophie Jeukens, à la fois surpris et un peu coupable d’être passé à côté d’un tel talent.

« la tête dans le cul/on s’inventait des heures sans domicile fixe/des excuses pour rester/qui cambriolaient à mains nues/nos restants de sommeil cheap »

Toucher du doigt l’universel

Je pense que la poésie peut parfois rebuter celleux qui aimeraient s’y initier, tant certaines œuvres peuvent être opaques ou en apparence inaccessibles. Si le présent recueil n’est pas exempt de complexité et traite, la plupart du temps, de thématiques aussi profondes que diversifiées, il n’en demeure pas moins qu’il se veut avant tout accessible à tous et toutes. L’impression première qui se dégage de ce Couchés en étoile dans la combustion lente des jours est la volonté de son autrice de tisser des liens avec l’extérieur, de tendre des perches à quiconque aura la chance d’explorer son ouvrage. Il y a d’ailleurs quelque chose de l’ordre de l’universel dans sa proposition : ses nombreuses thématiques s’arriment autour d’un noyau concentrique qui, s’il se rapproche parfois du chaos, n’existe que pour mieux mettre en relief toute la part d’humanité que tente d’y insuffler son autrice.

« sur nous les jours se tracent/comme des phrases pas de verbe/qui se prennent pour des vers »

En effet, Sophie Jeukens fait coexister, dans son recueil, plusieurs émotions et thématiques en apparence contradictoires : je pense notamment au vertige des rencontres exaltantes qui impose l’anticipation d’adieux en dormance. Je pense aussi à cette maternité tutoyant la décennie des rites initiatiques qu’est la vingtaine, le tout avec une énergie haletante et parfois mélancolique. Ce recueil, c’est un beau chaos qui mérite qu’on le découvre.

Sophie Jeukens, Les Éditions de Ta Mère, Montréal, 2022, 88 pages

© Crédits images  : Les Éditions de Ta Mère

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