Son premier album avait surpris. Agréablement, malgré quelques imperfections. Deux ans après Hisser haut, David Giguère est de retour avec Casablanca, une offrande plus mûre, au genre plus intimiste.
La voix de l’auteur-compositeur-interprète est toujours la même : tendre, mélancolique, avec un je-ne-sais-quoi de déchirant. Elle séduit, caresse l’oreille, effleure le cœur. Dès le premier album, c’était elle qui attirait l’attention, portant naïvement des textes simples mais évocateurs, parfois percutants, souvent émouvants. C’est toujours le cas avec l’album Casablanca, sur lequel l’artiste maîtrise mieux son formidable appareil vocal, sans chercher à le pousser trop loin et sans abuser des changements de registre, comme c’était parfois le cas sur Hisser haut. La musique aussi a évolué : oubliées, les tendances pop assumées et dynamiques des premiers temps. Évacuées, les mélodies accrocheuses et les refrains obsédants du premier-né. Sans renier ses influences, David Giguère explore avec Casablanca un univers plus gris que fluo. L’œuvre est plus réfléchie, plus travaillée.
Certes, le son explore toujours les mêmes zones, où la pop se marie à un électro omniprésent, mâtiné d’un soupçon de folk. L’univers musical est néanmoins plus resserré, plus dépouillé : une grande unité se dégage de l’ensemble, et on sent une retenue, le choix conscient d’une simplicité — parfois, presque une aridité — mélodique. Les ambiances sonores travaillées, mais souvent austères, se font parfois entêtantes, mais jamais irritantes — sauf dans La Durée, à la finale interminable. L’impression générale de dénuement qui se dégage de l’album épouse néanmoins le propos de façon harmonieuse : David Giguère nous livre avec sensibilité le récit d’une relation fusionnelle vouée à l’échec. Une blessure racontée d’un ton calme, malgré l’émotion qui étrangle parfois la voix, et le sentiment d’urgence vite réfréné que peut parfois transmettre la musique.
Habilement réalisé par Jonathan Dauphinais (Ariane Moffatt), livré avec aplomb par des musiciens talentueux (Dauphinais à la basse, mais aussi Joseph Marchand à la guitare, Jean-Phi Goncalves à la batterie et Christophe Lamarche aux inévitables claviers) et servi par les textes à la fois fins et naïfs de Giguère, Casablanca est un album mûr et abouti. Certaines pièces sont superbes : Tuons nos enfants, déchirante, Aimer aimer, obsédante, et La Honte, poétique, émergent du lot. Malgré tout, cet objet musical d’une grande qualité souffre peut-être d’un trop grand hermétisme. Si le produit final est presque irréprochable, il lui manque peut-être ces petites maladresses et ces quelques fulgurances qui faisaient le charme du premier opus.
3,5/5