Critique cinéma : « Le Prix à payer » d’Harold Crooks

Le Prix à Payer : le contrat social est-il caduc ? 

Arthur Paquet

Présenté au Cinéma Cartier depuis le 13 mars, Le Prix à payer est le dernier documentaire d’Harold Crooks (Surviving Progress) inspiré de l’ouvrage La Crise qui vient de Brigitte Alepin. Déjà primé comme meilleur documentaire au Vancouver International Film Festival, le film expose savamment, pendant 93 minutes, le problème de l’évasion fiscale.

Le propos s’amorce par une étude historique qui retrace la naissance du phénomène à Londres alors qu’une loi rend possible des transactions hors banques. À partir de là, certaines compagnies parviennent à échapper au fisc et à épargner une fortune en impôts non payés. Illégal ou légal? Ni l’un ni l’autre en fait : on est en plein flou juridique. Toujours est-il que le phénomène fait boule de neige. Des entreprises du monde entier chercheront refuge dans ces nouveaux paradis de la finance.

Cette fuite massive de capitaux se fait évidemment au détriment de la classe moyenne qui doit absorber le manque à gagner. Mais il y a pire. Si l’évasion fiscale permet d’une part aux multinationales d’accumuler un pécule colossal, d’autre part, il consomme la naissance d’un nouveau levier politique, voire d’une refonte fondamentale de l’État. En effet, Crooks explique que la finance a gagné une telle force que la politique ne peut plus s’articuler en fonction des intérêts sociaux, mais doit désormais s’inscrire dans une logique d’entreprise, de commerce et de concurrence.

Le réalisateur soutient alors peut-être la thèse la plus forte du film, à savoir que le contrat social, fondement de la démocratie moderne, a été brisé.

Il ne faudrait pas croire que Crooks tourne les coins ronds et présente un portrait cliché des méchants banquiers en s’appuyant sur des lieux communs. La recherche documentaire est remarquable et propose des entrevues avec des grands mandarins de la finance, des essayistes et des avocats internationaux notamment. Bref, des partisans de la déréglementation comme des opposants farouches.

Dans la foulée d’HSBC leaks et des mesures d’austérité préconisées en Europe comme au Québec, un documentaire comme Le Prix à payer tombe à pic. De manière accessible, le film fournit des outils et des références détaillées pour mieux comprendre les enjeux sociopolitiques de la finance et ses risques. On reprochera peut-être le ton quelque peu apocalyptique du film avec ses transitions ponctuées d’images de tempêtes et d’éclairs, quoique…

 4/5

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