Trumbo est l’un de ces films qui ne réinventent rien, mais qui valent par la seule force de leur sujet. Produit classique et divertissement efficace : le long-métrage biographique de Jay Roach nous entraîne ainsi dans le Hollywood déchiré et paranoïaque des années 40 et 50, en pleine « peur rouge », alors que la chasse aux sorcières bat son plein.
On y suit un scénariste de génie, Dalton Trumbo (Bryan Cranston, le Walter White de Breaking Bad), auteur à succès ayant eu le tort d’être militant de gauche et membre du parti communiste à une époque où le « rouge » était considéré comme l’ennemi public numéro un. Méprisé par l’establishment hollywoodien, traîné dans la boue par la presse, considéré comme un traître par une population apeurée, Trumbo sera finalement assigné à comparaître devant la commission sur les activités antiaméricaines. Il y témoignera avec de nombreux compagnons qui comme lui refuseront de répondre aux questions des commissaires en brandissant en vain le premier amendement. L’inquisition anticommuniste condamnera les « 10 d’Hollywood » à la prison ; Trumbo y passera un an.
De retour parmi les siens, mais figurant toujours sur la liste noire, banni des grands studios, Dalton Trumbo poursuivra néanmoins son œuvre de scénariste sous une multitude de noms d’emprunts. Il travaillera notamment pour Frank William (John Goodman, impayable), producteur mal embouché de navets en série, et remportera même deux Oscars sous une fausse identité.
La vie de l’homme justifie pleinement l’adaptation cinématographique : la matière est riche et le personnage, fascinant. Bryan Cranston interprète avec brio ce scénariste excentrique pétri de contradictions, travailleur infatigable, militant farouche, mais grand bourgeois, père et mari aimant mais colérique et autoritaire. Quant à la reconstitution historique, elle est séduisante, enrichie d’images d’archives et bourrée de clins d’œil au Hollywood des grands studios. On y croise avec plaisir John Wayne chassant le rouge plutôt que le peau-rouge et Kirk Douglas en héros salvateur. Dans le rôle de Hedda Hopper, journaliste à potins et odieuse croisée, la grande Helen Mirren est formidablement détestable.
Si l’époque est sombre, le film ne l’est pas : Jay Roach (Austin Powers), formé à l’école de la comédie, prend clairement le parti du rire contre la lourdeur, et les dialogues comme la mise en scène sont émaillés de traits d’humour. Certaines scènes, néanmoins, laissent davantage de place au drame et à l’émotion, dont certaines confrontations très bien menées entre Trumbo et Arlen Hird (Louis C.K.), son ami scénariste refusant toute compromission, ou encore celles impliquant Edward G. Robinson (excellent Michael Sthulbarg), écartelé entre sa fidélité à ses amis et le succès de sa carrière d’acteur.
Drame biographique à la facture conventionnelle, Trumbo est un film rondement mené, sans surprise mais surtout sans accroc, porté par une distribution cinq étoiles et magnifié par la performance de Bryan Cranston. Ne serait-ce que pour cela, le long-métrage vaut le détour. Et si, au passage, les discours de citoyens effrayés promettant de renvoyer ces « traîtres communistes » en Russie provoquent quelques rires jaunes, il aura en plus fait œuvre utile.
3,5/5
Trumbo de Jay Roach
Avec Bryan Cranston, John Goodman et Helen Mirren
En salles depuis le 27 novembre