Critique littéraire: Le sourire de Leticia

« Mettre un visage sur un nom », cest ce que Manu Militari propose dans son premier livre: Le sourire de Leticia, paru chez Stanké. Il ne sagit pas ici de sa dernière flamme, mais plutôt dune ville de Colombie que le rappeur nous invite à découvrir. Sans détour et dun style direct, l’auteur nous relate les quelques semaines quil y a passées.

mo_9782760411272L’actualité colombienne donne bien peu envie de visiter ce pays. Les Forces armées révolutionnaires ont le don d’en dissuader plus d’un. Pourtant, sous le regard du chanteur, Leticia attire.

Avec un ton drôle, parfois cru, mais toujours juste, Militari relate le quotidien de son séjour. On le suit à travers ses rencontres les plus disparates, tant au cours de ses déplacements en bateau que sur les routes de la région. Il convie aussi son lecteur à de nombreux repas trop arrosés ou sur la terrasse du café qu’il cache jalousement à ses co-chambreurs. Le tout, une cigarette à la fois.

Si on le trouve courageux de s’aventurer dans ce lieu à l’apparence hostile, c’est aussi sa témérité qui sera son plus grand danger. Au cours de ses pérégrinations, il revient également sur ses précédents voyages et dresse d’intéressants parallèles sur les rencontres avec l’autre.

Trop peu colombien

C’est vraiment à hauteur d’homme que se situe ce récit. On connaissait déjà l’intérêt de Militari à se placer dans la peau des autres dans plusieurs de ses chansons et il ne déroge pas à cette tendance. Il le fait d’ailleurs fort bien. Comme le titre peut l’indiquer, il est surtout question des rencontres que l’artiste fait à Leticia. Ainsi, l’auteur s’efface régulièrement au profit de ses compagnons de voyage.

En quelques paragraphes, ou même quelques lignes, on arrive à connaître ceux qui croisent la route du rappeur. On aime particulièrement la façon dont ils sont présentés. D’abord, d’une façon qui semble assez fidèle à la réalité, et ensuite commentée par l’auteur. On reste en mesure de se faire notre propre opinion, il n’y a pas que celle de Militari.

Mais, justement, ce sont des voyageurs dont on parle. Les habitants de Leticia et autres locaux sont presque absents de ce récit. Lorsqu’ils entrent en scène, ils sont relégués à un rôle secondaire, sans plus. On se demande alors ce qu’il en est du sourire de cette ville, si tous ceux que nous rencontrons n’y sont que de passage. Conte de nomades certes, mais trop peu colombien.

Leticia se fait, elle-aussi, trop discrète. Il fait chaud, il a quantité d’insectes, et trop peu d’autres détails. On peine à s’imaginer cette ville qu’on aimerait connaître.

Road book

Il s’agit tout de même d’un intéressant périple qui nous est présenté, lorsqu’on fait le deuil de Leticia, bien sûr. Le récit de voyage est un genre sous représenté qui mérite une visibilité accrue. Avec ce qu’il nous propose, Manu Militari contribue à affirmer la valeur de ce style. Les amateurs de road book prendront beaucoup de plaisir devant cet éventail de personnages dignes d’une fiction.

3/5
Le sourire de Leticia
Manu Militari
Stanké
184 p.
En librairie depuis le 19 octobre

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