Se tromper soi-même
Après avoir exploré les dédales du célibat avec un Petit pas pour l’homme en 2005, Stéphane Dompierre revient cette fois-ci avec Tromper Martine, un roman qui s’aventure dans les tribulations de la vie de couple routinière contemporaine. En fait, le récit s’articule plutôt autour de cette monotonie qui, quoique confortable, amène le protagoniste à rêver d’une vie plus excitante, entre les repas familiaux et les vélos qui traînent dans l’entrée de garage.
À la suite d’un épuisement professionnel éminent, le médecin de Nicolas lui propose de prendre congé, de dériver un peu de son quotidien machinal teinté par le 450. Confinement ou exutoire inavoué ? Peu importe, Nicolas en profite pour s’éloigner, du séjour dans un chalet perdu au milieu des bois en passant par un voyage plus animé à Londres pour finir enfin seul, à Barcelone.
Entre deux séances de sexe – réelles ou fantasmées – assez descriptives, on plonge dans l’univers teinté de dérision de Dompierre. On se moque un peu de ces clichés sur les relations homme-femme et les stéréotypes propres à chaque genre. Toutefois, la ligne est souvent mince entre la revendication de ces évidences et la perpétuation de celles-ci.
Le cœur de Tromper Martine réside dans ce paradoxe où Nicolas aime se bercer. Il apprécie toute la commodité que lui procure sa vie de famille de banlieue, mais se laisse tenter – et tente de résister – aux effluves de la Femme. La femme fatale. La femme sensuelle. La femme autre, celle avec qui on ne discute pas de produits ménagers et de REER. Celle que l’on doit conquérir et que l’on ne prend pas pour acquis. La monogamie est-elle réaliste? Peut-on être heureux en étant toujours avec la même personne?
Nicolas fait son choix au final. S’il savait…
Tromper Martine est un roman divertissant. On se surprend d’un petit sourire semi-assumé en réaction aux expressions crues, mais délicieuses de l’auteur. On s’aventure cependant dans le récit avec quelques appréhensions. Explore-t-on le sujet en profondeur ou se perd-t-on dans une multitude de péripéties – quoique très amusantes – quitte à nous faire oublier le cœur de l’histoire?
En fait, l’ingéniosité de Dompierre, c’est justement d’entrer dans l’homogène quotidien et de le rendre extraordinaire, en ce sens où tout peut devenir captivant. L’auteur se concentre sur de simples gestes du quotidien et les transforme en une myriade d’aventures plus croustillantes les unes des autres. C’est la signature de Dompierre.
Dans l’ensemble, Tromper Martine reste une lecture assez légère où subsiste la possible carence de profondeur. Le roman est néanmoins un plaisir à parcourir pour le lecteur en couple nostalgique, mais aussi pour le célibataire endurci qui aime se complaire dans son individualité.
3.5/5
Tromper Martine
Stéphane Dompierre
Québec Amérique
240 pages