« Dans la République du bonheur » au Trident : Le bonheur rend-il heureux ?

En ce début d’année, Christian Lapointe investit le Théâtre du Trident avec la dernière pièce du Britannique Martin Crimp, Dans la république du bonheur. Malgré quelques moments un peu faibles, il a su capter l’essence de ce texte grinçant pour créer une mise en scène efficace qui ne laisse pas indifférent.

Gaspard Philippe

Montée pour la première fois au Québec, cette pièce se veut une critique acérée de notre société de consommation et de notre manière de concevoir le bonheur. Quelques mois après avoir reçu un Prix de la critique pour la provocante Oxygène, Lapointe récidive avec l’acerbe Dans la république du bonheur.

Petit Papa Noël

L’action se déroule lors d’un repas de famille. C’est Noël et les festivités commencent. Soudain, l’oncle Bob fait irruption. Sa femme Madeleine, restée dans la voiture, lui a confié la mission de déverser sa haine sur la famille. Il profère alors un discours caustique fustigeant le mode de vie contemporain et son idéal du bonheur. Sans crier gare, la pièce sort de son cadre réaliste pour prendre la forme d’un théâtre choral. À travers les longs monologues, on décortique la façon dont la société conçoit le fait d’être heureux. La conclusion est angoissante et sans appel : le bonheur tel qu’on le conçoit est impossible à atteindre vu notre mode de vie consumériste !

Paillettes et palmier en plastique

Un décor kitsch assumé, des costumes au summum du mauvais goût, une musique de Noël ringarde : dès l’ouverture du rideau, la critique est cinglante. Tout semble faux, surfait. Un palmier en plastique dans un coin, une énorme pile de cadeaux dans l’autre, une piscine sans eau, un chat en peluche manipulé comme un vrai… la société de consommation est ici poussée à son extrême.

Cependant, le décor et l’abondance d’accessoires ont tendance à diminuer la force du texte, déjà très solide. Le spectateur reçoit beaucoup d’informations en même temps sans avoir vraiment le temps de les digérer. De ce fait, l’évolution dramatique s’en trouve un peu brimée. Quant au jeu des comédiens, même si les enchaînements sont fluides, il aurait pu gagner en précision. On notera tout de même la magnifique prestation d’Ève Landry en Madeleine qui arrive à donner une force étonnante à son personnage. Noémie O’Farrell est également très convaincante dans son rôle d’adolescente surconnectée. Roland Lepage, quant à lui, campe un grand-père à la fois hilarant et inquiétant.

Toi aussi, public !

Malgré les défauts, la pièce reste très puissante du point de vue dramaturgique. On embarque tout de suite dans cet univers pop art d’un extrême mauvais goût. Les projections vidéo qui accompagnent les monologues sont diablement efficaces et ajoutent à l’absurdité des propos. On notera également une belle utilisation des séquences vidéos en direct. Lorsqu’une actrice pointe une caméra sur le public, le faisant alors apparaître sur un écran en arrière-scène, celui-ci rit jaune pour digérer cette attaque frontale sur son mode de vie. Autre point fort : l’univers sonore. Les arrangements électroniques composés par Keith Kouna accompagnent efficacement la voix des comédiens dans les parties chantées. Cela donne à la pièce un rythme percutant digne d’une comédie musicale contemporaine.

Au Théâtre du Trident jusqu’au 7 février 2015.

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