Des étudiants réinventent l’église Saint-Jean-Baptiste

Ils sont 13 étudiants de deuxième année en architecture à plancher près de 40 heures par semaine sur leur version de l’église fermée en mai dernier. Centre de santé mentale, lieu de diffusion du patrimoine ou marché public : les possibilités sont nombreuses, mais le temps est compté.

Dans l’atelier aux murs turquoise éclairé de néons, un chapelet de maquettes d’église est posé sur des tables. Il est midi, les cloches de la basilique-cathédrale sonnent dans le Vieux-Québec, et déjà, on a une idée de l’ampleur du défi.

Leurs collègues des autres ateliers doivent repenser une maison patrimoniale, un hangar ou une école primaire. La tâche qui attend les étudiants de Tania Martin est un brin différente : réinventer un lieu patrimonial de 150 ans d’âge, et peut-être voir son projet s’enraciner dans le quartier Saint-Jean-Baptiste.

Une vocation communautaire

Avant de commencer à crayonner, les étudiants ont dû mener des recherches approfondies afin de saisir les besoins du quartier. Ce travail collectif a révélé que les citoyens ont surtout besoin d’un espace de rassemblement qui conserverait le volet sociocommunautaire de l’édifice, indique Luiza Santos, étudiante de seconde année en architecture.

Pendant longtemps, ajoute son collègue Michaël Richer-Lebrun, « l’église était là pour répondre aux besoins religieux du quartier en même temps que ses besoins communautaires, autant pour la distribution de denrées alimentaires qu’aider l’école primaire à donner des services supplémentaires ».

C’est la piste qu’ont suivie les étudiants de Tania Martin. Luiza, par exemple, conçoit un marché public séparé par des cloisons transparentes du reste de l’église, encore consacrée au culte. Elle espère qu’avec cette proposition, elle pourra inciter les gens « à s’arrêter pour se recueillir dans leur espace de vie quotidien ».

Pendant longtemps, « l’église était là pour répondre aux besoins religieux du quartier en même temps que ses besoins communautaires » — Michaël Richer-Lebrun

Michel Asselin propose quant à lui une maison regroupant plusieurs ressources en santé mentale. Le jeune homme mise entre autres sur la luminothérapie, la musicothérapie et la zoothérapie pour enrayer les tabous entourant la santé mentale.

Photo : Courtoisie Michael Richer-Lebrun
Photo : Courtoisie Michael Richer-Lebrun

Parmi les autres projets imaginés, on trouve notamment un centre de diffusion et d’interprétation du patrimoine et un centre sportif où se donneraient des cours de yoga et d’arts martiaux.

Le pari d’innover

Avant de se poser à la table à dessin et d’imprimer des maquettes, les jeunes architectes se sont aussi rendus sur le terrain pour recueillir les suggestions des citoyens. De leurs échanges sont ressorti bien des contraintes, raconte Michel Asselin. « Bien souvent, les gens veulent conserver leur église à tout prix, le culte surtout. »

Lors de la consultation publique du 1er octobre dernier, qui révélait les résultats de la consultation populaire du site Votepour.ca sur la conversion de l’église, beaucoup étaient fermés à l’idée de modifier la bâtisse. Luiza se rappelle avoir entendu des résidents dire qu’il ne fallait pas toucher à l’orgue Casavant qui date de 1921. « On pensait qu’on ne pouvait rien faire dans l’église », se rappelle-t-elle.

Au fil des échanges, les étudiants ont toutefois réalisé qu’ils avaient plus de latitude qu’ils ne l’auraient cru. « En rencontrant [des membres du conseil de quartier] ou en ayant leurs critiques, on voit qu’ils sont quand même ouverts à des idées et ils proposent des pistes de recherche », nuance Luiza.

Chaque projet diffère, et tous ne conservent pas la vocation spirituelle des lieux. Cependant, les étudiants ont résolument pris le pari de l’innovation, ayant à cœur de « montrer toutes sortes d’idées farfelues » aux gens du quartier, explique Michel Asselin.

« On pensait qu’on ne pouvait rien faire dans l’église » — Luiza Santos, étudiante en architecture

Un exercice formateur

Trouver l’équilibre entre l’imagination et la conservation fait partie du mandat de tout architecte. Travailler de pair avec les intervenants et les résidents aussi. En cela, Tania Martin est venue « ajouter une coche au-dessus d’un projet d’atelier normal, croit Luiza Santos. Elle essaie de nous faire voir que dans un projet d’architecture, on ne travaille pas que dans un bureau et on ne dessine pas qu’en imaginant un bâtiment, mais on travaille avec une communauté. »

Pour Michel Asselin, bien que la charge de travail demandée soit plus élevée que celle des autres ateliers, il est évident que ce sera un exercice très formateur. « Étant donné qu’on est en lien avec des architectures et des gens du quartier, c’est un plus que les autres ateliers n’ont pas ». 

Une fois la session terminée et les travaux rendus, les dés seront jetés. Les propositions sur lesquelles ils auront planché des semaines en rejoindront des centaines d’autres. « On ne s’attend pas à avoir un appel de Régis Labeaume. En même temps, c’est sûr qu’on aimerait tous que certaines de nos idées soient retenues », relativise Michel Asselin.

L’église Saint-Jean-Baptiste en quelques dates
1880-1883 : Construction à la suite d’un incendie dans le faubourg.
1991 : L’immeuble est classé patrimonial.
24 mai 2015 : Dernière messe réunissant environ 2500 personnes.

Auteur / autrice

  • Kim Chabot

    Journaliste culturelle dans l’âme et historienne de formation, Kim est passionnée par la littérature, les arts visuels et le théâtre. Elle aime découvrir de tout, des grands classiques aux projets artistiques de la relève. Pour elle, les scènes de l’Université Laval et de la Ville de Québec sont des gros terrains de jeux aux possibilités infinies. Elle nourrit aussi un grand amour pour la langue française, au grand dam de ceux qu’elle reprend inlassablement pour des « si j’aurais ».

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