Aux frontières du théâtre et de la psychothérapie, il y a la dramathérapie, ou l’art de soigner par l’utilisation de techniques théâtrales. C’est de cette forme peu connue d’art thérapie dont il a été question mercredi lors d’une conférence prononcée par Annamaria Fantauzzi, professeure d’anthropologie culturelle et médicale à l’Université de Turin.
« Vous voyez ces corps ? Ce sont des corps désespérés à la recherche de réconfort », lance d’emblée l’Italienne à la foule d’intéressés venus l’entendre. Ces corps, ce sont ceux de réfugiés, d’immigrants clandestins et de maganés de tout acabit qu’elle a rencontrés lors de son propre parcours. Des corps meurtris, blessés et amputés. Mais surtout, des corps qui l’ont conscientisée sur l’importance de l’enveloppe charnelle dans les soins.
Quelle importance ? « Notre identité, notre culture et nos valeurs se manifestent par l’entremise du corps, tout comme la maladie et la souffrance, explique l’anthropologue. C’est donc un instrument incroyable par lequel on peut exprimer beaucoup, mais aussi résoudre beaucoup en rendant visible ce qui est énigmatique. »
On dit d’ailleurs que le théâtre, en tant que jeu des corps, est le premier sérum que l’homme ait inventé pour se protéger de la maladie.
Effets psychologiques
Clown-thérapie, écriture thérapeutique, jeux de rôle, seul, en groupe, sur une ou plusieurs séances : la dramathérapie se décline en plusieurs formats. Mais, aussi éclectiques soient-ils, tous ont le même but : donner une motivation au corps, donc au patient, dans sa lutte contre la maladie.
N’allez toutefois pas croire que l’utilisation des codes théâtraux permet de guérir le cancer. Résolution de problème, atteinte de la catharsis, amélioration de la confiance en soi, compréhension de la signification de la douleur, exploration des comportements et interactions personnelles : les bénéfices reliés à la dramathérapie sont avant tout d’ordre psychologique.
« La santé n’est pas juste physique. Elle est aussi sociale et psychique », fait valoir Annamaria Fantauzzi, en référence à la définition donnée à ce concept par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Preuves limitées
Si la recherche scientifique sur les différentes formes d’art thérapie est assez développée, celle spécifique à la dramathérapie est assez pauvre. Cela n’a toutefois pas empêché la professeure de présenter les résultats d’une étude effectuée sur des personnes âgées aux prises avec de la démence. Des résultats « non statistiquement significatifs, mais néanmoins positifs », a-t-elle glissé.
Selon elle, l’efficacité de la dramathérapie est très variable d’un individu à l’autre et ne se manifeste guère qu’après « cinq à dix séances ». C’est une forme de thérapie qui, semble-t-il, est très efficace chez les anorexiques qui « vivent continuellement dans le théâtre ».