Voiture rouge, lunettes fumées, coat de cuir, barbe de quelques jours et juste assez en retard, David Desjardins entre à la Brulerie Limoilou comme une starlette de banlieue.
Arnaud Ruelens-Lepoutre
Pourtant, malgré toutes les images surfaites qu’on voudrait bien lui scotcher dans la face, le-plus-très-jeune-mais-vraiment-pas-encore-si-vieux-que-ça chroniqueur en vogue de la ville de Québec n’est rien d’autre que lui-même : un mordu fini de l’actualité qui aime donner sa vision du Monde à qui veut bien l’entendre. Pis les autres? Ben, on s’en crisse.
C’est dans un même odre d’idées que se compose son recueil de chroniques, Le cœur est une valeur mobilière. C’est-à-dire simplement, et sans prétention. Présenté en préface par Patrick Lagacé comme « la meilleure plume de sa génération », David Desjardins prend le témoignage de son ami comme une bonne claque dans le dos qui « concrétise tout l’effort qu’[il] a mis pour arriver là », tout en conservant une bonne dose d’humilité en remarquant que l’on est « jamais meilleur que sa dernière chronique ».
Le cœur est une valeur mobilière, un titre venu du cœur?
« Non, du hasard. Avant, quand on tapait mon nom dans Google, le premier lien était une pub de Desjardins sur la valeur immobilière. Quand est venu le temps de trouver un titre, j’aimais l’idée que les valeurs humaines fluctuent comme les chiffres à la bourse, selon nos humeurs, nos envies, etc. On a tous la volonté d’être super empathiques, d’aider notre prochain, de partager la richesse, mais quand c’est le temps de le faire, c’est comme si le cours du cœur en bourse dropait immédiatement. Ça annonce bien ce qui s’en vient : la remise en question perpétuelle et toutes les contradictions qui habitent mes chroniques. »
Le recueil est une commande des éditions Somme Toute?
« Oui, au départ je n’étais pas sûr de vouloir le faire, parce que c’est quelque chose d’excessivement prétentieux et que je n’étais pas sûr d’avoir ce qu’il fallait, que ça valait la peine. Mais, comme je ne garde jamais rien, je trouvais ça bien d’avoir un témoin du travail accompli. »
Avec ce recueil derrière soi, cette « commande artistique », te considères-tu à présent comme un auteur / artiste?
« Non, je ne pense pas. Je me vois comme quelqu’un qui écrit dans un journal et qui se donne la permission d’investir un champ qui n’est pas le sien. C’est sûr, à vingt ans, je tripais sur les arts, la musique, pis je m’enlignais vers de quoi de plus artistique que journalistique, mais, maintenant, je suis trop occupé à gagner ma vie! »
Tu ne caches même pas un petit roman dans un tiroir?
« Non. Je n’en ai pas. J’ai plein d’idées, mais pas de temps pour m’asseoir dessus. »
Et si tu avais tout le temps rêvé?
« J’écrirais sûrement des nouvelles, mais je ne suis pas sûr d’avoir le souffle que ça prend. Je n’ai pas la pression d’écrire de romans, en fait, ce recueil m’enlève toute cette supposée pression. »
Penses-tu être un apport à la littérature québécoise?
« Pantoute. Je profite de ma vision médiatique, comme porte d’entrée. Je profite de la chance que ça représente, mais dans le monde de la littérature, ce recueil ne veut rien dire. La seule chose que j’espère, c’est qu’elle donne envie au monde de lire les livres dont je parle dans mes chroniques. Je suis juste chanceux qu’il y ait eu un éditeur pour trouver bon ce que je fais, parce que je n’aurais jamais eu l’idée de faire ça moi-même. »
Penses-tu écrire un bon show?
« Y’a une part de spectacle dans la chronique, et mon personnage de chronique, c’est une fraction de moi, une partie qui est détestable et qui chiale. Dans la vie, je ressemble beaucoup à ça, mais je suis bien plus smatte en vrai. Je crois que j’ai aussi des personnages trippants, Sonny Tremblay, etc. Des personnages plus grands que nature, mais qui existent vraiment, ça forme des chroniques où la fiction et la réalité se rejoignent. »
Presque dix ans de retour en arrière, as-tu peur de dépoussiérer de la merde?
« Non. Pis, si oui, j’men sacre. »
Le lancement de ton recueil à Québec arrive… Il se passe quoi ensuite?
« J’ai plein de projets, mais… je n’en parle pas! Je ne suis pas obsédé par le futur, je laisse ça aller. En attendant je surfe sur la vague que le talent, le travail et la chance ont mis sous mes pieds. Là, le monde me trouve fresh pis Montréal me trouve intéressant, c’est l’fun, mais je n’ai pas d’illusions. Je suis la saveur du moment, je suis à la bonne place, au bon moment, ça va bien, mais si je deviens plus pertinent, ben j’irai vendre des bicycles. »
Quoi? Le coeur est une valeur mobilière
Qui? David Desjardins
Quand? 13 novembre à 17h
Où? Salons d’Edgar