Femme d’aujourd’hui : De l’écran à l’expo

Pour les femmes de la génération Y, le nom Femme d’aujourd’hui n’évoque peut-être pas grand-chose. Pourtant, cette émission diffusée quotidiennement pendant 17 ans à Radio-Canada a eu un impact majeur sur le mouvement féministe des années 1960 à 1980. C’est pourquoi, 50 ans après sa première diffusion, une exposition lui rendant hommage est présentée à l’Université Laval.

À travers des photographies, des panneaux explicatifs, des magazines et des extraits vidéo, l’exposition Être femme aujourd’hui, Femme d’aujourd’hui vise à la fois à souligner l’importance de cette émission pour le Québec et à garder vivants les questionnements féministes. L’instigatrice du projet, la commissaire Josette Brun, estime d’ailleurs que les questions posées à cette époque sont toutes aussi pertinentes aujourd’hui.

L’émission, diffusée de 1965 à 1982, abordait entre autres les thèmes du viol, de la violence faite aux femmes, de l’avortement, de l’accessibilité des garderies, de l’immigration et du statut des Amérindiennes. Tous des sujets qui ont récemment fait la manchette, rappelle Mme Brun qui enseigne également au département d’information et de communication de l’UL.

Une émission qui a fait parler

L’animatrice Aline Desjardins a été à la barre de l’émission de 1966 à 1979. Elle explique qu’on ne traitait pas du tout de ces sujets sensibles au départ. « Les choses se sont faites doucement, on a parlé de tricot avant d’aborder des thèmes qui touchaient vraiment les femmes. Ça n’a pas été facile, car les hommes s’opposaient à ce qu’on disait. On parlait d’émancipation alors qu’eux, ils voulaient qu’on reste à la maison », raconte l’animatrice.

Avec plus de 300 000 téléspectateurs par épisode, on peut dire que Femme d’aujourd’hui ne laissait personne indifférent. Au cours de l’exposition, on apprend d’ailleurs que Mme Desjardins a déjà été jetée hors d’un taxi par un chauffeur qui venait de se faire quitter par sa femme et qui l’en accusait. « L’émission remettait tout en question et ça faisait peur à plusieurs. Enfin, les femmes pouvaient se définir par elles-mêmes », explique Josette Brun. Elle se souvient de sa tante, parfaite ménagère, qui se sentait jugée, car on contredisait tout ce qu’elle connaissait. Malgré tout, elle suivait l’émission et est finalement retournée aux études. Pour Mme Brun, ce n’est qu’un exemple de l’impact qu’a eu l’émission sur la vie des femmes.

Un combat qui se poursuit

Pour la commissaire, même si les choses ont beaucoup changé depuis les débuts de l’émission, il reste encore du chemin à faire. « S’affirmer comme féministe est toujours difficile, on sent beaucoup de préjugés et d’incompréhension. C’est pourquoi nous aurions encore besoin d’une tribune comme Femme d’aujourd’hui. Il est essentiel de continuer d’en parler », estime-t-elle.

Aline Desjardins est du même avis. Pour elle, le féminisme n’est pas mort. Il lui est d’ailleurs inconcevable que certaines femmes se disent non féministes. Ainsi, l’animatrice se dit particulièrement heureuse de voir des jeunes femmes comme la britannique Emma Watson prendre la parole en faveur de l’égalité des sexes.

À l’instar de la porte-parole du mouvement HeForShe, Mme Desjardins aimerait que les hommes s’impliquent davantage dans la cause. « Il est temps de s’assoir tous ensemble autour d’une même table, car le combat n’est pas fini. Je me méfie de tout ce qui semble être acquis et, malgré ce que certains semblent penser, les droits des femmes sont toujours menacés », conclut-elle.

L’exposition Être femme aujourd’hui, Femme d’aujourd’hui est présentée jusqu’au 18 mars 2016 au 4e étage du pavillon Bonenfant de l’Université Laval.

Femme d’aujourd’hui en quelques chiffres
17 années à l’antenne (1965-1982)
Plus de 3 000 épisodes
300 000 téléspectateurs en moyenne par épisode
Dans les années 70, une Canadienne française sur trois âgée de 25 à 59 ans écoutait l’émission au moins une fois par semaine.

Auteur / autrice

  • Cloé Hurtubise

    Je suis une vraie passionnée de culture. Lecture, théâtre, musique, cinéma, nommez-en! Par-dessus tout, j'adore écrire. C'est pourquoi j'ai choisi de devenir journaliste. Je suis donc diplômée en Arts et technologie des médias, option journalisme du Cégep de Jonquière. L'été, j'écris pour le journal de ma ville natale, Chibougamau.

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