Du 12 au 23 janvier se tiendra en ligne la sixième édition du Festival Plein(s) Écran(s). Le concept est simple : vous aurez l’occasion de visionner quatre courts-métrages par jour, ces derniers étant disponibles pendant 24h. C’est donc plus d’une quarantaine de films qui seront présentés durant le festival. Pour l’occasion, nous vous présenterons tous les courts-métrages proposés jusqu’à la fin de l’événement, que nous ponctuerons de nos réflexions. Fictions, documentaires, films d’animation… différentes visions du cinéma se conjugueront pour offrir une pluralité de propositions, où toustes pourront y trouver leur compte. Nous vous encourageons grandement à y jeter un coup d’œil : c’est un événement important, qui contribue à la démocratisation de l’art cinématographique.
Pour participer au Festival Plein(s) Écran(s), rien de plus simple : l’événement est gratuit et disponible à toustes. Vous n’avez qu’à vous rendre sur leur page Facebook ou Instagram. Sinon, sachez que les courts-métrages seront disponibles directement sur leur page web : https://pleinsecrans.com/
Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), journaliste multimédia
21 janvier : Éveil
L’Abat (19 minutes) – Coup de cœur
Réalisation : Olivier Côté | Distribution : Indépendant | Fiction
Synopsis : Jules (17 ans) ouvre les portes de la salle de quilles familiale à un groupe de fêtards qu’il veut impressionner. En tentant de suivre leur débauche, il perd le contrôle de la soirée devenue chaotique et doit trouver le courage de les défier.
Avis : On se souviendra tous et toutes d’une histoire qui remonte probablement à nos années du secondaire où une gang un peu trop saoule avait saccagé une maison lors d’un party. Classiques gens cool qui ne se gèrent pas et manquent (grossièrement) de respect et de savoir-vivre. C’est un peu ce qui se passe ici, dans cette salle de quilles. Dès le départ, on sait que les choses vont mal tourner. Pourtant, tout au long de cette dégringolade, on ne peut s’empêcher de se dire des « oh non » à voix basse, prenant même Jules en pitié malgré ses choix douteux. Ce que j’ai surtout trouvé rafraîchissant, c’est comment sa personnalité et son inquiétude grandissante crèvent l’écran. Encore plus, Olivier Côté se tient loin des fins dramatiques où l’adolescent.e en lendemain de veille accepte la fatalité de la situation en se déresponsabilisant, préférant retourner se coucher en laissant ses parents dans cet état de déception habituel. On assiste à une scène finale qui opte pour une trame davantage éclairée, soutenant le caractère du personnage, qui, malgré tout, reste fidèle à ses engagements, ses habitudes, et le plus important : à lui-même. Ça fait toujours plaisir de voir le Québec être représenté, encore plus lorsqu’on le fait aussi bien.
Aniksha (20 minutes)
Réalisation : Vincent Toi | Distribution : La distributrice de films | Fiction
Synopsis : Aniksha est une jeune femme de la diaspora indo-mauricienne. Après un mariage arrangé, elle trouve un emploi dans un centre d’appel, une industrie en plein essor à l’île Maurice. Elle fait la rencontre d’un énigmatique superviseur et découvre un monde de possibilités. Cette nouvelle vision du monde donne à Aniksha un choix entre les traditions et la modernité occidentale.
Avis : Par l’intermédiaire du personnage principal, Aniksha, Vincent Toi réussit bien à rendre compte d’un héritage culturel complexe et pluridimensionnel. Nous avons d’ailleurs l’impression d’être aux côtés de la jeune femme, ressentant à notre tour le déchirement identitaire qui la tenaille. Malgré la profondeur des enjeux et de la trame narrative présentés, le réalisateur y appose un filtre qui semble parfaitement s’accorder à la personnalité et à l’aura de son sujet. Pas besoin d’un format long pour s’attacher à elle, me surprenant même à lui souhaiter sincèrement l’émancipation à laquelle elle aspire. Il s’agit là d’une approche intéressante qui saura certainement satisfaire les plus friands des récits de cheminement personnel et d’ambiguïté identitaire à la Cheikh Hamidou Kane.
Jontae (8 minutes)
Réalisation : Kyana Lyne / Siam Obregon | Distribution : Indépendant | Art & expérimental
Synopsis : Face à la pandémie mondiale et au réveil du racisme, un interprète consacre un moment à la catharsis personnelle par le mouvement.
Avis : Dans ce court-métrage, Kyana Lyne et Siam Obregon nous plongent directement dans l’univers de la danse contemporaine et expérimentale. Sans dialogue, c’est plutôt le corps, par ses sons et ses mouvements, qui fait office de langue et de communication. D’ailleurs, force est de reconnaître le talent de l’interprète en ce qui concerne à la fois sa grande maîtrise et connaissance de son outil de travail – impératif en danse – et sa capacité à se laisser aller à plus grand que soi, même devant la caméra. Le danseur réussit à nous faire passer par toute une gamme d’émotions, grâce à son corps, bien sûr, mais aussi en raison de son interprétation particulièrement éclatée, quoique touchante. Surtout, la caméra qui semble épier son sujet, allant parfois jusqu’à carrément suivre ses mouvements et alterner entre une focalisation précise ou plus floue, créer ces impressions d’étourdissement, d’essoufflement par moments, rappelant aux spectateur.rice.s le fil de la pensée et des émotions qui s’embrouillent, seulement pour mieux se retrouver et se comprendre plus tard. À la limite de la folie, le court-métrage témoigne parfaitement de l’incertitude, du découragement, mais aussi de l’espoir soulevés par la pandémie et les autres événements d’envergure y étant survenus.
Lucina Annulata (4 minutes)
Réalisation : Charlotte Clermont | Distribution : Indépendant | Art & expérimental
Synopsis : Ensoleillé. Les images, liées par des échos de palettes chromatiques et de calques linéaires, défilent au rythme d’une voix qui rappelle une incantation. Sacré.
Avis : Ce court-métrage de Charlotte Clermont s’inscrit dans la catégorie intitulée « impression(s) ». Dans le cas de Lucina Annulata, le synopsis parle de lui-même, en mon humble avis, et ne pourrait être plus juste. En effet, les images sélectionnées combinées à cet effet vintage des vieilles bobines de film m’ont laissé en bouche une impression relativement troublante, d’autant plus avec la superposition de la voix. Le temps de 4 minutes – minutes qui, bien honnêtement, m’ont positivement paru plus longues – j’ai réellement senti que ce que je visionnais et moi-même faisions partie de quelque chose de plus grand, ce quelque chose que la rationalité de l’esprit ne peut expliquer, mais auquel on ne peut rester indifférent. De quoi s’immiscer dans mes rêves la nuit prochaine. À suivre.
22 janvier : Zone d’inconfort
Le rouge au sol (17 minutes)
Réalisation : Maxime Giroux | Carte blanche
Synopsis : Un jeune homme va magasiner avec sa mère le lendemain matin d’une soirée plutôt difficile. Un dialogue inconfortable entre deux générations s’ensuit.
Avis : Presque immédiatement, le court-métrage n’était pas sans me rappeler la performance de Martin Dubreuil dans le rôle de Yves Boisvert dans le long-métrage À tous ceux qui ne me lisent pas, quoique ce dernier suive de quelques années le travail de Maxime Giroux. Pour moi, le talent de l’interprète est indéniable, tout comme celui du réalisateur. Effectivement, ce dernier raconte son histoire avec beaucoup de sensibilité et de justesse. Avant même que la conversation entre le jeune homme et sa mère ne s’entame, les échos de la douleur et de la détresse du personnage étaient tout de suite reçus. Mais encore, ladite conversation entre ces deux générations, au-delà de l’inconfort, me semblait réaliste et probable, reflétant certainement les écarts générationnels et idéologiques que le Québec connaît encore en 2022. Maxime Giroux a cette capacité de faire naître en celui et celle qui regarde une empathie désarmante qui aura définitivement teinté mon visionnement, et ce, malgré le poids du tourment à l’écran.
La tête en bas (30 minutes) – Coup de cœur
Réalisation : Maxime Giroux | Distribution : La distributrice de films | Fiction
Synopsis : La tête en bas trace un portrait hétéroclite de trois jeunes demoiselles solitaires, mélancoliques et marginales, dans la fragilité de leur quotidien
Avis : Ayoye. J’ai adoré ce court-métrage de Giroux, et c’est un euphémisme. Je l’ai trouvé très poétique, et ce, à tous les niveaux. Le synopsis avait déjà piqué ma curiosité, et mes attentes ont été plus que comblées. D’abord, quoique les dialogues ne soient pas les plus nombreux, les plus rares prises de paroles me sont apparues comme étant des moments clés. Je pense, entre autres, au monologue troublant de l’une des jeunes femmes (vous saurez duquel je parle en l’écoutant), qui m’a beaucoup marqué et dont l’interprétation était assez extraordinaire (oui, extraordinaire). Néanmoins, les trois femmes ont toutes réussi, de manière différente, à m’émouvoir et me faire me questionner, à me projeter dans ce quotidien justement mélancolique et marginal. Cette dite mélancolie, mais aussi la pointe d’une solitude même à deux, étaient encore mieux transmises à ceux et celles qui regardent par les images et l’accent mis sur les sons, les couleurs ternes en clair-obscur nous immergeant dans cet univers unique et apposant un voile sur sa fragilité. Des performances et des choix artistiques qui me feront certainement regarder ce court-métrage plus d’une fois. Les mots me manquent, à vous d’en juger.
Les jours (24 minutes)
Réalisation : Maxime Giroux | Fiction
Synopsis : La mort tragique d’une jeune fille en forêt. Les tourments qui suivent. La vengeance vaine du père. Une rencontre entre le côté sombre de la nature et la précarité de la vie.
Avis : En tenant compte du fait qu’il s’agissait du troisième court-métrage de Maxime Giroux que j’allais regarder, je me doutais que j’allais l’apprécier. Encore une fois, les dialogues n’occupent pas la majeure partie du temps, mais la manière du réalisateur d’aborder l’histoire comblait parfaitement l’espace. L’ambiance est instaurée dès le début : des plans très sombres, froids, et lourds comme le deuil et la colère du père joué par Gildor Roy. Une vengeance dite vaine qui aura su mettre en lumière la complexité du deuil et de nos perceptions et questionnements face à l’existence. Assurément, ce court-métrage porte lui aussi la marque artistique de Giroux, marque qui témoigne une fois de plus de son talent et de sa manière unique de voir le monde et de le partager.
Photos: Fournies par Plein(s) Écran(s)