Une petite maison assez laide, respirant l’héritage d’un père mort peu auparavant. Une vieille femme fouineuse et originale, sa fille à la santé mentale plus que bancale, son chum, un homosexuel refoulé et son ex à la limite du pervers narcissique, nous voilà en bonne compagnie pendant près d’une heure et demie.
Par Camille Sainson, journaliste collaboratrice
Les vies paisibles (?) du couple Jonathan-Marie et de la mère de cette dernière, la fameuse Louise, se voient vite bouleversées avec l’apparition de David, un Dom Juan manipulateur. Marionnettiste expérimenté, il joue avec les sentiments de ses pantins, tire les ficelles de leurs émotions avec adresse et habileté. Il sait se faire désirer et ira jusqu’à faire imploser leur petit monde. La maison devient alors le théâtre des malheurs d’une vie, tous les personnages cherchant à comprendre qui ils sont réellement loin des attentes de la société.
Le texte de Vincent Nolin-Bouchard nous entraîne au plus près de la réalité de ces êtres, loin de toute artificialité et avec un franc-parler qui ne manque pas de faire rire l’assemblée. Soulignons également l’excellent travail de mise en scène par Lucie M. Constantineau et du jeu de lumière qui souligne parfaitement l’état d’esprit des personnages. Alors que la scène se divise en deux espaces distincts, les voix entrent en résonnances, les destins se mêlent, nous devenons les témoins de leurs rêves et de leurs ambitions, de leurs peurs aussi. Fond de rang, ce sont ces vies cachées, ces vies qu’on ne voit pas, qui viennent du fond des bois, là où le temps semble s’arrêter, coincé entre les branches des arbres, ralentit par le vent glacial et par la neige qui engourdit les sens. Alors que les performances des acteurs sont toutes excellentes, nos zygomatiques sont d’autant plus sollicités lorsque Louise entre en scène. De sa dégaine nonchalante à ses répliques cinglantes de vérité, si elle est la première à voir clair dans le jeu de David, elle sera aussi la seule à succomber pleinement à ses avances. Quadrilatère amoureux, jeux d’amour et de haine, Fond de rang pourrait être une histoire vraie, celle qui dévoile sous une lumière scialytique de quoi nous sommes vraiment faits, parce que nous sommes souvent trompés par notre propre reflet dans le miroir, reflet qu’on finit par ne plus tellement voir…
Crédits photo: David Mendoza Hélaine