Malgré la pluie et les orages, et en dépit de la course folle aux ÀVélo, Impact Campus s’est une fois de plus donné corps et âme pour couvrir cette édition 2025 du Festival d’été de Québec. Retour sur les temps forts de ce véritable marathon musical.
Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), journaliste multiplateforme, et Emmy Lapointe, rédactrice en chef
Le retour de Fred
Pas facile d’ouvrir le FEQ : les attentes sont hautes et les festivalier.ères, elleux, sont fébriles, fin prêt.es à fouler les rues du quartier Saint-Jean-Baptiste. Petite Amie, qui se produisait sur la scène Hydro-Québec lors de la première soirée du festival, a certainement su relever le défi de ce coup d’envoi. Le groupe, originaire du Mexique, fut comme un rayon de soleil dans une soirée autrement grise, insufflant une chaleur douce et rêveuse dès leurs premières notes avec leurs sonorités planantes et leurs harmonies.
L’Orchestre tout puissant Marcel Duchamp et sa douzaine de musicien.es aura à son tour fortement marqué la veillée, entonnant des champs rassembleurs et revendicateurs portés par une énergie sans pareil. Leur performance foisonnante, chaotique mais maîtrisée, était d’une richesse musicale impressionnante. Une fois sur scène, elle ne rendait que mieux l’architecture sonore complexe de leurs compositions : entre polyrythmies, envolées instrumentales et lignes mélodiques inattendues, nous étions invité.es à nous perdre dans cette mosaïque, à la fois sophistiquée et généreusement accessible.
De même, le duo Sara et Rebecca, de la ville de Québec, nous aura fait rêver*de sable chaud là où on avait plutôt les pieds et la frange détrempés. Sur album, leur univers est un peu plus épuré, teinté par les sons d’une bossa nova ou d’un flamenco délicat. Mais sur scène, accompagné d’un full band, leur projet semblait gagner en ampleur et en textures, glissant vers des sonorités néo-psychédéliques déjà présentes – quoique plus subtiles – dans certains de leurs morceaux, s’inscrivant ainsi dans la lignée de ce qui continue d’envoûter les scènes indie des dernières années, et dont, franchement, on ne se lasse toujours pas. Mention spéciale à la maîtrise technique des deux musicien.nes, cerise sur le sundae qu’il ne faudrait pas manquer de souligner.
Frente Cumbiero, « piliers de l’évolution de la cumbia en Amérique latine », auront quant à eux offert une prestation festive et magnétique, qui se prêtait parfaitement à l’ambiance intime de fin de soirée au carré d’Youville. La musique du quatuor se sera démarquée par ses sections de cuivres et ses rythmes chaloupés, desquels se dégageait une énergie nocturne vibrante, rappelant l’ambiance urbaine et éclatante de certaines toiles de Claude Bonneau, où la ville, encore éveillée, prend des teintes de feu sous l’éclairage des lampadaires. Il y avait là une cumbia jazzée et libre, par moments plus modernisée, charmant corps et imaginaires.
Il y avait également quelque chose de puissamment chargé et électrisant dans l’air qui parcourait la foule bien avant que ne se fassent entendre les premières notes tout droit sorties des amplis, le soir où Angine de Poitrine, Alix Fernz et VioleTT Pi ont pris d’assaut la scène Crave. La performance d’Alix Fernz, explosive et difficile à contenir, a presque trop bien mis la table pour l’arrivée de VioleTT Pi, attendu avec une impatience quasi frénétique : tout semblait mener à ce moment-là. C’était la soirée idéale pour tout relâcher et se laisser happer par les impulsions du pit, à mi-chemin entre exutoire et communion désorganisée, et les festivalier.ères ne se sont certainement pas fait prier.
On aura finalement pu souffler un peu devant les performances de Jeanne Côté, puis d’Émile Bourgault, parfois plus posées, mais certainement pas moins poignantes. Ce n’était pas seulement l’occasion de « faire une pause » de l’intensité du FEQ, mais bien celle de se recentrer, de s’émouvoir dans la contemplation. On avait affaire à une autre forme d’abandon, plus douce, intérieure, qui exigeait – et recevait – toute l’attention d’un public déjà conquis. Chacun.e à leur manière, iels ont su créer un instant intime, nous invitant à partager des moments de grâce précieux, tout en sincérité, où la musique touche sans brusquer. Iels nous ont brillamment rappelé que l’émotion la plus forte n’est pas toujours celle qui crie le plus fort.
Le retour d’Emmy
Drôle d’édition entre la grève du RTC, les annulations d’artistes et la température en dents de scie, et de mon côté, un ménisque déchiré. Mais somehow, j’ai aimé ma petite expérience à moi.
On le sait, aller chercher dans la nostalgie, c’est payant pour un festival comme le FEQ. Parce que 10 jours d’artistes, 10 jours de « gros noms actuels », c’est impossible, mais en même temps, il faut les remplir ces Plaines-là. Alors, les « has been » (je dis ça sans connotation négative), c’est un bon plan, parce que rien ne rassemble plus les foules que la nostalgie.
Soirée ado incompris de Brossard en 2004
Mon dernier show pas en béquilles, mais aussi mon premier du FEQ, ça a été Simple Plan et Avril Lavigne. Rien à dire sur les setlists des deux artistes : hit, classiques, quelques pièces plus vieilles pour les « vrais fan ».
Musicalement, Simple Plan ça allait. La voix de Pierre Bouvier ne semble pas avoir trop vieilli. En fait, outre les pattes d’oies au coin des yeux et quelques cheveux blancs, rien ne semble indiquer que le groupe ait vieilli d’une quelconque façon, et c’est peut-être ça qui fait que c’est cringe un peu? Des man child en camisoles échancrées sur lesquelles on peut lire « I’m just a kid an adult, and it’s a nightmare » crier à la foule qu’on pourra dire à nos parents que « it was not just a phase, it was never just a phase », ça a quelque chose d’un peu pathétique. C’est comme si tout leur succès dépendait justement de leur capacité à ne pas changer, à ne pas vieillir.
Après, je sais que c’est un show, que c’est leur marque de commerce, qu’en dehors de la scène, ce sont peut-être des pères responsables qui amènent leurs enfants à leurs cours de natation les samedis matin qui partagent la charge mentale avec leurs conjointes ou épouses, mais ce qui nous amuse nous comme public, c’est leur image (et donc la nôtre) figée.
Aussi, on dirait que Pierre oubliait qu’il pouvait parler en français à la foule. On n’est pas à Laval Pierre.
Même portrait avec Avril Lavigne, sauf que malheureusement, musicalement, c’était dur. Difficile de distinguer sa voix des back vocals, son oreillette a semblé la déranger la moitié du concert, sa voix, quand on la distinguait, n’était souvent pas juste. Sa setlist l’a peut-être un peu desservie aussi, parce qu’à part « Sk8ter Boy » qui se trouvait plus loin dans le concert, ses trois plus gros hits étaient back à back au début. Plusieurs ont d’ailleurs quitté après « Complicated ».
Mais je vous jure que je ne suis pas si rabat-joie, parce que même si je critique la performance d’une éternelle adolescence comme seul gage de réussite, les camisoles échancrées et les faux pas vocaux, j’ai quand même enjoy ma soirée, et j’étais contente de chanter sans pouvoir m’entendre dans la foule.
Maîtres des foules
Dans les concerts qui m’ont surprise, il y a Big Flo et Oli. J’y allais un peu de reculons, ce n’est pas mon genre de rap, un peu trop « lisse », un peu trop clean. Après, je pense que leur public cible est un peu plus jeune, mais pour une raison qui m’échappe, je connais quand même plusieurs de leurs chansons.
Une setlist pas trop surprenante (ce que personnellement, je recherche dans un festival), des performances vocales plutôt pas mal. Mais si leur concert a été qualifié de l’un des meilleurs, voire le meilleur (sur la grosse scène) du festival, c’est grâce à leur contact avec la foule. Big Flo et Oli étaient attentionnés et ont semblé montrer un intérêt sincère envers la ville et la culture québécoise. Ce sont des petites stratégies de conquête de foules, « Hey, regardez, on s’intéresse à votre hockey et votre musique, voulez-vous vous intéresser à la nôtre pour 1h30 ? » Parce que même si Big Flo et Oli sont hyper connus, reste qu’une bonne partie de la foule ce soir-là, ne connaissait pas plus qu’une ou deux chansons.
Autre point pour gagner la foule : leurs textes sont grands-publics – et là non plus, ce n’est pas connoté négativement. Ce que je veux dire, c’est qu’on n’a pas besoin de connaître les codes du rap pour sentir qu’on fait partie du show (même si l’idée du rap, c’est aussi de ne pas être compris par tout le monde). Un peu comme les Cowboys fringants (oui, oui, je tente la comparaison), ce ne sont pas les plus grands poètes encore moins les meilleurs beatmakers, mais ça rassemble.
Autre reine de la foule et reine tout court : Shania Twain. Déjà, j’étais contente de voir que cette année, la soirée country était entièrement féminine. Je pense aussi qu’on ne prend pas la juste mesure du nombre de bangers de Shania Twain. Malgré quelques débalancements de son ici et là, ça avait, musicalement, somme toute de la gueule.
Et pour vrai, j’aurais payé cher pour que ce soit mon chapeau qui soit autographié.