Nos contacts avec la Norvège sont plutôt rares. Mis à part quelques artistes importants comme Munch et Grieg, on pourrait difficilement lui attribuer un style particulier. Cette fenêtre sur le pays est l’occasion de combler ce vide, ou du moins, de faire un pas dans sa direction.
Hugo Lafleur
Dirigée par la chorégraphe Sharon Eyal, Israélienne rendue célèbre pour son spectacle Love en 2003, la troupe de danse Carte Blanche présentait son dernier spectacle, Corps de Walk, en première de la tournée 2013. Corps de Walk est une heure très dense en informations, son écriture étant chargée. Les corps en mouvement sont d’une précision ahurissante, avec des mouvements à la limite de ce qu’on considère comme naturel. Cet aspect quasi robotique est dû à la grande précision rythmique des membres et de l’ensemble. Les mouvements se développent dans l’espace pour atteindre leur plein épanouissement sur le temps et les accents rythmiques. Le sens du rythme de l’ensemble est à mon avis une des grandes forces de la formation.
Corps de Walk contient plusieurs écritures différentes qui amènent des manières nouvelles de reconsidérer la problématique de leur univers visuel. Les mouvements d’ensemble prédominent le début du spectacle, mais laissent leur place à d’autres procédés, comme le canon, l’opposition de plusieurs masses de mouvements ( une sorte de polyphonie dansée ), des passages de soliste sur des fonds très travaillés du reste de la formation. On peut noter plusieurs jeux de mouvements en rangée sur l’axe central, qui contribue au côté déshumanisé par sa symétrie forcée.
Le choix des costumes est très intéressant : au lieu d’opter pour le nu, la formation a choisi des collants couleur chair. Le résultat maintient la proximité du corps, mais enlève les éléments de l’anatomie et du toucher humain, ce qui crée un effet froid et épuré.
La première partie du spectacle, à l’écriture dense et empreinte de virtuosité, laisse place à un mouvement central aux sonorités sourdes, accompagnées de mouvements lents pour un effet planant et contrastant avec la partie précédente. Remarquons la finale qui a plu au public: le groupe, recroquevillé sur lui-même, faisant des micromouvements sur un rythme optimiste syncopé, comme une sorte de palpitation. Cette finale, par son efficacité et par le contraste qu’elle amène relativement au reste du spectacle, a su convaincre le public de la qualité de l’art norvégien et israélite.