Un hommage mérité
C’est complet au royaume des morts, Emmanuel Cocke le cascadeur de l’esprit
Ralph Elawani
Tête Première
Fermez les yeux. Vous vous retrouverez en plein cœur du Montréal des années soixante-dix. Vous vous promenez sur la rue Sherbrooke et vous vous arrêtez au numéro 485. La Casanous. Vous y rencontrerez sans doute Pedro, le propriétaire de l’établissement et probablement Raôul Dugay, Tex Lecor, Marcel Sabourin, Mouffe ou Patrick Straram. Ces quelques grands personnages de la faune culturelle de l’époque et qui (pour certains) sévissent encore aujourd’hui.
Dans la biographie C’est complet au royaume des morts Emmanuel Cocke le cascadeur de l’esprit, l’auteur Ralph Elawani fait revivre à ses lecteurs l’atmosphère de cet endroit mythique. Il s’agit d’un passage obligé puisque la Casanous est un haut lieu de rencontre de plusieurs artistes, dont Emmanuel Cocke, ce cinéaste (Musika), journaliste (l’Actualité), romancier (L’emmanuscrit de la mère morte), musicien et figure de la contre-culture québécoise qui malgré sa mort prématurée a su marquer l’horizon culturel québécois.
Elawani cadre bien les « années Cocke ». La naissance en France, les conflits conjugaux des parents puis le drame familial. Malgré la tristesse du propos, Elawani a su s’éloigner du pathos. L’œuvre est bien documentée et l’on y retrouve des photos familiales dès les premières pages ce qui donne bien le coup d’envoi.
Le lecteur plus âgé sera heureux de redécouvrir la métropole et le Québec des années soixante et soixante-dix, tandis que pour les plus jeunes s’ouvrira un pan de l’histoire culturelle. Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit : l’histoire du Québec et de sa culture. Grâce aux photos, aux témoignages des proches de Cocke et aux extraits de la correspondance qu’il entretient avec son père, Elawani amalgame l’intime et l’historique.
Les citations placées en exergue souvent extraites des œuvres de Cocke se veulent une belle façon de rencontrer le touche-à-tout artistique. Les nombreux témoignages sont parfois mal amenés et cassent le rythme de lecture. La façon dont ils sont présentés tient beaucoup de la citation longue comme on en retrouve souvent dans les dissertations.
Visuellement parlant, la première et la quatrième de couvertures sont très attrayantes. La préface signée Denise Boucher se veut un long poème (dans le fond et la forme) soulignant l’héritage de Cocke dans la culture québécoise.
Bien que l’intention de l’auteur ne soit pas de renouveler le genre biographique, on se serait attendu à une proposition moins convenue vu le sujet de l’œuvre. D’autant plus que la préface et le mot de l’éditeur sortent des sentiers battus. Malheureusement, dès les premières pages de l’œuvre, on sent cette cassure de ton.
Publié aux éditions Tête première et paru le 17 février 2014, C’est complet au royaume des morts Emmanuel Cocke le cascadeur de l’esprit est le dernier né du projet de réédition des œuvres de cet artiste.
Annabelle M.g