Hunger Games : un nouveau combat pour Katniss Everdeen

Avec le hashtag #sunriseonthereaping déjà utilisé dans plus de 23 000 publications, la sortie de Sunrise on the Reaping le 18 mars 2025 n’a de toute évidence laissé personne indifférent. Avec ce deuxième roman prequel de la trilogie originale Hunger Games après The Ballad of Songbirds and Snakes sorti en 2020 la saga littéraire dystopique de l’autrice américaine Suzanne Collins continue l’entreprise commencée en 2008 de doucement, mais sûrement, se creuser une place en tête de notre espace médiatique. Jetons un coup d’œil à ce phénomène ! 

Par Léon Bodier, journaliste multiplateforme

Quelques best-sellers 

À sa publication le 19 mai 2020,The Ballad of Songbirds and Snakes a immédiatement atteint la première place de la liste des best-sellers du New York Times dans la catégorie fiction. Lors de sa première semaine de publication, le livre s’est vendu à plus de 500 000 exemplaires aux États-Unis, incluant les formats imprimés, numériques et audio. En novembre 2023, la sortie de l’adaptation cinématographique, affichant Tom Blyth au côté de Rachel Zegler dans les rôles principaux a stimulé les ventes du livre original, atteignant près de 52 000 exemplaires vendus en une semaine, tandis que l’édition liée au film s’est vendue à presque 25 000 exemplaires durant la même période.

Pour l’instant, il est difficile de fournir des chiffres précis concernant les ventes de Sunrise on the Reaping au cours de sa première semaine, car ces données n’ont pas encore été publiées. Cependant, plusieurs indicateurs suggèrent que le livre a rencontré un succès significatif dès sa sortie. 

Avant même sa publication, Sunrise on the Reaping avait atteint la première place des ventes sur Amazon et était largement anticipé comme l’un des plus grands succès de fiction de l’année. À présent, il est le livre de fiction le plus vendu sur le magasin en ligne en 2025, surpassant d’autres titres populaires. Le livre s’est rapidement retrouvé en rupture de stock, entraînant de longues listes d’attente dans les bibliothèques. Pour contourner ces délais, des promotions ont été mises en place, telles que l’offre d’Amazon proposant l’audiobook pour 0,99 $ par mois pendant trois mois. Jefferson White, acteur de la série Yellowstone, a non seulement lu Sunrise on the Reaping, mais en est également le narrateur officiel de la version audio : « C’est un honneur de faire partie d’un univers que j’aime depuis si longtemps. » 

Victoires aux Hunger Games, mais pas auprès du public

The Hunger Games: Catching Fire (2013) détient le record du plus grand week-end d’ouverture en novembre et a été le film le plus rentable aux États-Unis en 2013 ( 865 millions de dollars de recettes mondiales). A contrario, The Hunger Games: The Ballad of Songbirds & Snakes, a réalisé le plus faible week-end d’ouverture de la série (349 millions de dollars de recettes mondiales). Si The Hunger Games: Catching Fire a connu un triomphe critique et commercial, il marque le même score du public (d’environ 90%) sur Rotten Tomatoes que The Ballad of Songbirds & Snakes.

Cette différence entre réception théâtrale et opinion publique peut s’expliquer non seulement par un contexte économique post-pandémique, mais aussi par un facteur moins quantifiable : le genre du protagoniste.

Jennifer Lawrence, malgré un jeu salué et un Oscar en parallèle, a été soumise à des remarques récurrentes sur son poids et sa corpulence, jugée trop « saine » pour un rôle supposé incarner la faim et la survie. Dans une entrevue avec Harper’s Bazaar, elle déclarait : « Dans Hunger Games, je pouvais choisir : soit une héroïne avec des courbes réalistes, soit une figure inaccessible pour les jeunes filles. J’ai choisi la santé » (Harper’s Bazaar, 2012). De même, Rachel Zegler — pourtant saluée pour son jeu — a récemment été la cible de commentaires sexistes et racistes sur sa pilosité naturelle. À l’inverse, Tom Blyth, incarnant un Snow adolescent dans The Ballad of Songbirds & Snakes, a été célébré sur les réseaux sociaux pour son physique et son aura charismatique. Son apparence alimente une réception romantisée du personnage, malgré les choix moralement douteux qu’il opère. Ce double standard médiatique illustre ce que Laura Mulvey appelait déjà dans Visual Pleasure and Narrative Cinema (1975) le male gaze : une manière de cadrer les corps féminins comme objets d’évaluation, et les corps masculins comme vecteurs de puissance narrative.

Le syndrome « romance dystopique »

Archétype du survivor, Katniss Everdeen s’oppose physiquement, stratégiquement et symboliquement à une série d’antagonistes masculins : Cato dans l’arène, Snow au Capitole, et même Peeta dans ses moments de fragilité manipulée. Mais cette puissance narrative est constamment minimisée par une lecture genrée qui réduit l’œuvre. Dès sa sortie, la trilogie a été cataloguée dans la fiction Young Adult féminine, avec toutes les critiques que cela suppose. Comme le rappelle Sarah Banet-Weiser dans Empowered: Popular Feminism and Popular Misogyny (2018), les récits portés par des femmes ou adressés aux adolescentes sont souvent déconsidérés, perçus comme émotionnels, anecdotiques, voire narcissiques. À l’inverse, les récits centrés sur des figures masculines sont plus facilement perçus comme philosophiques, politiques ou universels.

Le contrôle médiatique, la téléréalité comme outil de propagande, la surveillance étatique ou encore la gestion de la peur — tous ces thèmes centraux dans la trilogie originelle — sont souvent relégués derrière l’étiquette de « romance dystopique » quand Katniss les incarne. Quand Snow ou Haymitch les traversent, ces dynamiques sont prises au sérieux et ils deviennent des figures complexes, tragiques, presque shakespeariennes comme présente le succès déjà palpable du nouveau livre. Ce biais critique rappelle ce que bell hooks appelait une « domination structurelle du masculin » dans les récits culturels : ce n’est pas tant ce qui est raconté, mais par qui cela est raconté qui détermine le sérieux avec lequel le récit est accueilli. C’est comme si le message que Suzanne Collins tenait précisément à véhiculer sur l’hégémonie et le pouvoir n’avait pas bien surgi des pages de ses livres… 

De fait, malgré une volonté de renforcer les figures masculines dans les prequels et spin-offs, les personnages féminins restent les véritables moteurs du récit. Dans Sunrise on the Reaping, Haymitch débute comme un adolescent passif et désengagé, dont la trajectoire n’est rendue possible que grâce à la relation qu’il entretient avec une fille du District 12. Adulte, il devient alcoolique et cynique, ne sortant de son retrait que sous l’influence de Katniss. De même, Snow, dans The Ballad of Songbirds & Snakes, incarne la descente vers le fascisme — un glissement qui n’est pas causé par une absence de moralité intrinsèque, mais par l’incapacité à aimer sans dominer. Lucy Gray, à la fois muse, rivale et conscience du jeune Coriolanus, est la seule à faire ressortir en lui une forme d’ambivalence morale. Elle devient le miroir de ses contradictions, jusqu’à disparaître comme le symbole même de ce qu’il choisit d’écraser pour maintenir son pouvoir.

Katniss revient sur le devant de la scène 

Néanmoins, Katniss Everdeen va faire son grand retour dans l’arène avec l’adaptation théâtrale de The Hunger Games, dont les billets sont en prévente depuis le 25 mars 2025.  Cette production débutera le 20 octobre 2025 au Troubadour Canary Wharf Theatre à Londres, offrant une nouvelle perspective sur le récit original.

Mise en scène par Matthew Dunster (2:22 A Ghost Story) et écrite par Conor McPherson (Girl from the North Country), cette adaptation théâtrale de The Hunger Games est directement basée sur le roman de Suzanne Collins. Elle promet une relecture saisissante de l’arène grâce à une scénographie immersive, mêlant théâtre physique, musique originale et effets visuels spectaculaires pour plonger les spectateur·ices au cœur du District 12 et du Capitole.

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