JokerJoker : Comme un chien dans un jeu de cartes

« Ceci est un kidnapping » peut-on lire sur un mur du Pantoum une demi-heure avant L’Artentat. Une personne vient d’être prise en otage par deux Jokers et elle ne nous sera livrée que si nous obéissons à une série de consignes.

Pour lancer ses activités, le collectif JokerJoker a organisé un coup d’éclat, un Artentat.

D’heure en heure, des appels Skype retransmettent les performances d’Émile Beauchemin et de Thomas Langlois en direct sur les murs du Pantoum. Masque au visage, les deux Jokers présentent les actes à commettre, les montants d’argent à amasser et les récompenses débloquées pour le public.

Les deux larrons ont ainsi remplacé l’épée de Jeanne d’Arc par un pinceau sur les Plaines d’Abraham et agrafé des extraits de poèmes sur des arbres du Parc Saint-Roch. À divers moments, le public leur a soumis des défis, comme faire une performance de danse théâtrale, torse nu, dans la fontaine de Tourny. Parfois, il a dû en réaliser deux ou trois issus de l’imagination des Jokers.

Un collectif nouveau genre

Comme de multiples projets, JokerJoker est né autour d’une bière. Au fil des discussions, les deux fondateurs, Thomas et Émile, en sont venus à la conclusion qu’il n’existe que très peu d’avenues pour la relève du milieu théâtral.

Les diffuseurs de la Capitale « ne vont peut-être pas prendre le projet le plus novateur ou le plus intéressant, mais celui qui mobilise le plus de gens, constate Émile Beauchemin. Par peur d’arrêter d’exister, ils ne peuvent pas prendre tant de risques que ça. Nous, c’est le risque qu’on veut se permettre de prendre. »

Le jeune collectif voit alors le jour pour diffuser les projets des artistes émergents, mais pas de façon conventionnelle. « On s’est donné comme mandat de diffuser du théâtre dans des lieux non théâtraux », poursuit l’initiateur du Festival de théâtre de l’UL.

Pour ce faire, les anciens du baccalauréat en théâtre se sont inspirés du hacking informatique en adaptant ses principes de base au monde artistique. « On voulait prendre la ville, un peu sans permission et s’infiltrer pour que le théâtre et l’art soient apportés dans le quotidien de tout le monde », indique le jeune homme.

JokerJoker - Photo : Alice Chiche
JokerJoker – Photo : Alice Chiche

 

Inclure le spectateur

Les deux Jokers placent le public au cœur de leur entreprise théâtrale. D’abord parce qu’ils ne demanderont aucune subvention pour faire rouler la troupe. Ils confieront plutôt la santé financière de l’aventure sur les sommes recueillies lors des performances. « Ça se peut que ça chie, mais on assume ça dès le départ », avisent-ils.

D’où le fait d’échanger le prix d’entrée de 10 $ contre des défis réalisés à divers moments de la soirée de lancement. « On voulait signifier au public qu’il n’est pas une tirelire et qu’on pouvait risquer des choses pour mériter son argent », communique Thomas.

Ensuite parce que le collectif entend susciter l’attention du spectateur de manières variées pour l’intéresser au théâtre. Slam, conte, cirque, nouvelles technologies et danse seront privilégiés au détriment d’initiatives plus classiques. L’idée derrière JokerJoker, résume Thomas, « c’est aussi de ne plus prendre le public pour acquis ».

Le premier projet que présente le collectif est une version repensée de Baiseries, pièce présentée aux Treize en mars 2014. Cette fois, les représentations auront lieu dans des appartements de Limoilou (8 au 10 octobre), Saint-Sauveur (15 au 17 octobre) et Saint-Jean-Baptiste (22 au 24 octobre). Plus de détails au jokerjoker.tk

Pourquoi JokerJoker ?

« Dans un jeu de cartes, on est le Joker », répond simplement Thomas Langlois, cofondateur de la troupe. C’est aussi parce que cette carte est une wildcard qui obéit à des règles différentes selon le jeu, ajoute Émile Beauchemin. Le choix du nom répond aussi à la volonté de ne pas avantager un fondateur par rapport à l’autre, continue ce dernier. « Qui est le premier Joker, qui est le deuxième : on ne sait pas. »

Auteur / autrice

  • Kim Chabot

    Journaliste culturelle dans l’âme et historienne de formation, Kim est passionnée par la littérature, les arts visuels et le théâtre. Elle aime découvrir de tout, des grands classiques aux projets artistiques de la relève. Pour elle, les scènes de l’Université Laval et de la Ville de Québec sont des gros terrains de jeux aux possibilités infinies. Elle nourrit aussi un grand amour pour la langue française, au grand dam de ceux qu’elle reprend inlassablement pour des « si j’aurais ».

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