C’est la première d’un tout nouveau spectacle pour L’Orchestre d’hommes-orchestres, présenté au Théâtre Le Diamant : La mémoire de ma mère. Ce collectif multidisciplinaire d’artistes, formé en 2002 à Québec, a pour concept des hommes-orchestres, des touche-à-tout qui donnent à chaque objet une valeur musicale et sonore dans leurs représentations. Leur mot d’ordre, depuis leurs débuts, demeure l’indiscipline, un esprit de chaos visant à brouiller les frontières entre les différentes formes d’art : visuel, musical et vivant.
Par Marie-Rose Dupuis, journaliste collaboratrice
Jusqu’à présent, l’Orchestre d’hommes-orchestres a monté une quinzaine de spectacles qui lui ont valu le Prix de la Ville de Toronto (2013) et le Prix de la Ville de Québec (2015). Son univers artistique englobe plusieurs époques, mélangeant grâce et ridicule, le français et l’anglais. La musique et la poésie y occupent également une place importante. Les thèmes varient, mais leurs anciennes créations s’articulaient autour de l’œuvre d’un.e artiste en particulier, mais cette fois, iels s’aventurent sur un nouveau terrain.
L’espace occupe toujours une place importante dans leur interprétation, mais le contenu est plus personnel à elleux. Dans une entrevue donnée à Impact Campus, les artistes mentionnent vouloir, cette fois-ci, se « plonger dans un répertoire d’éléments sensoriels qui nous constituent et qu’on voulait célébrer ». Afin de représenter cette « réflexion ouverte » dans « un cadre qui leur appartient vraiment », iels nous font entrer dans l’univers intime d’une chambre, remplie d’objets significatifs de toutes sortes: un métier à tisser, un lit, des instruments de musique, un balais, une lampe, un tourne disque, une vieille télévision. Ces objets portent le poids de leurs souvenirs. Les artistes disent être à un tournant de leur vie, où iels se retournent pour observer ce que leur parcours leur a apporté et ainsi poser la question « C’est quoi, la mémoire ? ».

Dans un aller-retour entre les objets et elleux-mêmes, iels nous entraînent dans une quête de mémoire à la fois personnelle et collective. Pendant la représentation, nous traversons donc les époques, du passé au futur sans ordre logique. Nous traversons également l’espace, même de la chambre, pour voyager avec les objets. Cela nous amène vers ce qui semble être des fragments de vie et de rêves, des fils de souvenirs confus, portés par la scène, les acteur.rices et les objets. Au centre, comme à leur habitude, on retrouve la musique et la parole. C’est une recherche lourde de sens de revenir sur des souvenirs, de se retourner pour contempler et chercher un sens à sa vie. Tout au long de la représentation, la quête de la mémoire est parfois loufoque,parfois sentimentale..
Nous parlons de loufoque, mais l’humour est-elle bien présente sur la scène ? Oui, mais pas dans le sens où on l’entend habituellement. Comme les artistes le disent elleux-mêmes : « pas dans le sens de la blague, mais dans le sens du plaisir à transformer les choses ». Iels prennent plaisir à manipuler et à transformer les objets pour en faire de la musique, et les utiliser pour communiquer.
Sur scène, ce plaisir devient contagieux. Les spectateur.rices sont invité.es dans cet univers étrange et poétique. Il s’en dégage une impression à la fois de nostalgie, mais aussi ce regard lucide d’adulte sur la vie et ce qui la compose: un séjour à l’hôpital ou au môtel, un souvenir d’un conseil de son grand-père, une recette écrite de sa mère, une danse sur une vieille chanson. Tout cela dans un chaos qui représente parfaitement la recomposition approximative et imparfaite des souvenirs dans la mémoire. Qu’il s’agisse des nombreuses pièces musicales, des poèmes, des jeux de lumière, des costumes ou du positionnement des acteur.rices, tout s’accorde pour créer un monde étonnamment rythmé et garder l’audience accrochée.
En somme, La mémoire de ma mère réussit à nous faire vivre la recherche hasardeuse des souvenirs dans la mémoire au cours d’un moment très vivant, au milieu du bruit, de la musique, de l’émerveillement et de l’indiscipline.
Sources :
Desgagné-Duclos, G. (2018). L’orchestre d’hommes-orchestres. Démêler
l’écheveau du présent. Spirale, (266), 15–26. https://www.erudit.org/fr/revues/spirale/2018-n266-spirale04295/89845ac.pdf
L’orchestre d’hommes-orchestres. À propos. http://www.lodho.com/