Du Marguerite Duras mis en scène par Christian Lapointe, avec un trio d’acteurs chevronnés : L’homme atlantique (et La maladie de la mort), à la presque fin de ce 14ième Carrefour international de théâtre, fait dans le lourd.
Cyril Schreiber
Christian Lapointe a ainsi collé et adapté ces deux récits des années 1980, évoquant tous les deux le cinéma. Dans La maladie de la mort, une réalisatrice donne des consignes à un acteur qui, dans l’éventuel film, engage une prostituée afin de voir si l’amour existe, tandis que L’homme atlantique est un monologue d’un homme goûtant l’absence, texte joué trois fois plutôt qu’une. On verra par la suite le film découlant du projet initial.
Pour qui a vu la présente production, le lien, la juxtaposition entre les deux textes apparaît hautement pertinente. Non seulement Christian Lapointe a réussi le mariage, écho entre les deux récits qui n’en forment plus qu’un à quelque part, mais est-il parvenu aussi à une originale et labyrinthique « découpe polyphonique » (ce sont ses termes) entre les acteurs/personnages, le texte étant réparti entre ceux-ci. Vertigineux à souhait.
Entre théâtre et cinéma, L’homme atlantique (et La maladie de la mort) est un spectacle brillant mais relativement hermétique, comme peut parfois l’être Duras, d’autant plus au théâtre. Pas étonnant que Christian Lapointe soit tombé amoureux de Duras, tant leurs réflexions se rejoignent à plusieurs endroits. Ainsi, faudra-t-il (re)lire ces deux textes, ou même mieux, revoir ce spectacle, histoire de revivre certains détails et réussir à mieux comprendre certaines séquences permettant de mieux saisir le « message » global de la pièce.
Le public, qui a le bonheur/malheur de se voir à un moment donné lors d’une amusante séance de doublage, a pu en tout cas apprécier un dispositif scénique des plus originaux (un grand écran blanc qui se referme en un cube) bien que relativement simple, ainsi que des performances d’acteurs absolument incroyables : le trio composé de Marie-Thérèse Fortin (la réalisatrice), Anne-Marie Cadieux (la femme) et Jean Alibert (l’homme) livre un tour de force d’autant plus remarquable que les dialogues sont morcelés.
On ne prend pas forcément un malin plaisir à observer L’homme atlantique (et La maladie de la mort) : le spectacle demande tellement d’attention qu’on réfléchit plus avec sa tête que son cœur. N’empêche, Christian Lapointe réussit encore une fois à dérouter, à questionner intellectuellement et intelligemment. Dédoublements, superpositions, frontières brouillées : L’homme atlantique (et La maladie de la mort) est décidément un labyrinthe cinémato-théâtral dans lequel il fait bon se perdre… même si la porte de sortie apparaît comme une véritable bouffée d’air frais.
Quoi ? L’homme atlantique (et La maladie de la mort)
Qui ? Textes : Marguerite Duras, Mise en scène : Christian Lapointe
Où ? Salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre de Québec
Quand ? Samedi 8 juin, 21h