Le 12 août, j’achète un livre québécois – Place à nos bien-aimé(e)s

Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), journaliste multiplateforme, et Emmy Lapointe, rédactrice en chef

Les suggestions d’Emmy

Avant de brûler – Virginie DeChamplain – La Peuplade
Après Les falaises, l’autrice revient, avec son deuxième roman, avec une plume encore plus sûre d’elle-même. Entre les fantômes sculpté par la fin du (d’un) monde et la possibilité d’un renouveau, l’autrice, dans une prose parfois incisive, souvent douce, pose et repose cette question « Matrice ou tombeau ? ».

 

La méduse – Boum – Pow Pow
Qu’on la prenne pour son sens littéral ou comme une métaphore filée, cette BD offre quelque chose de particulier. Odette, libraire et amoureuse de Naïna, perd peu à peu la vue à cause de méduses qui s’incrustent au fond de son oeil. Devant ce drame qu’on ne saurait s’expliquer, mais que l’on sait métaphorique, comme lecteur.rices, on est bouleversé.es d’un côté par les dessins coulants et de l’autre côté par la solidarité, l’amour, l’amitié qui ne viennent pas forcément à bout des créatures qui nous habite, mais qui les rendent tolérables.

 

Les allongées – Martine Delvaux et Jennifer Bélanger – Héliotrope
Dans cet essai intime à quatre mains, les autrices parlent de ce qu’elles connaissent : le temps passé à être couchées, souvent accablées par des douleurs diffuses, qui ne trouvent pas toujours de sens dans un monde dans lequel la valorisation passe souvent par le « faire ». Pourtant, c’est texte très actif en ce qu’il trace les amitiés, les réflexions, les rêveries et questionne ce que l’histoire a dit de ces folles et martyrs qui  ne pouvaient ou voulaient pas se lever.

 

Les suggestions de Frédérik

Peggy – Nelly Arcan – La Mèche
Texte le plus bref de la production arcanienne livresque, plus souvent qu’autrement relayé au second plan, attendant sagement ses lecteur.ices derrière Putain (le seul et l’unique), et tous les autres, aussi, il me semble pourtant que Peggy soit l’occasion parfaite pour les amateur.ices de Nelly Arcan de la redécouvrir et de prolonger le plaisir, et, pour les nouveaux.elles, de s’y initier, d’amorcer une première rencontre, moins abrasive peut-être. À travers cette nouvelle et l’amitié au féminin qui se retrouve en son coeur, l’autrice nous propose, à rebours, un avant-goût des réflexions, des questionnements et plus largement des thématiques qui auront érigé son oeuvre, en plus d’y donner à lire sa plume, qui, depuis, en a conquis plusieurs.

 

Poudreuse – Sophie Lalonde-Roux – L’instant même
Disponible en précommande sa sortie officielle le 19 août prochain, Poudreuse  raconte les chutes et des rechutes d’un jeune vingtenaire, de ses échymoses tout comme de ses convalescence, nous imposant, malgré le deuil, les problèmes de consommation, les paniques et les dérives, le ralentissement des instants quotidiens. La parole y est crue, mais dénudée de toutes frioritures ou d’exagérations : l’heure n’est pas au drama bien gras et odieux, mais au vrai, au sensible, au laid puis au beau. Après la pluie, vient le soleil, puis la pluie…puis encore le soleil, encore et toujours.

 

Une fille sans fusil – Paule Baillargeon – Les Herbes rouges
Avec le personnage d’Huguette, Paule Baillargeon expose la colère de celles que la violence des hommes aura tenté de déposséder ; en vain. Le livre laisse place à un style poétique particulier, à une voix affirmée, forte, mais douce aussi, parfois, tentant de mettre un baume sur sa souffrance et sur celle de toutes les autres. Il y a là, en d’autres mots, une écriture difficile à classer malgré son appartenance au genre romanesque. Cette lecture n’en est pas une facile, mais elle s’avère libératrice. Sans tout mettre à feu et à sang, elle nous donne, à notre tour, envie de prendre les armes, réelles ou métaphoriques.

 

Scaphandre – Mélissa Labonté – Le Noroît
La poésie, que j’affectionne mais ne côtoie que plus rarement, n’est, je dois l’admettre, pas mon genre littéraire par excellence – j’ai toujours l’impression de la lire trop vite, de mal saisir comment me poser dans sa lecture, d’être à toutes les fois en nouvelles terres. Cela dit, les mots de Mélissa Labonté, qui disent l’impermanence et l’imminensce de la disparition, m’ont sans équivoque fait perdre pieds, m’emportant d’un seul trait dans leur errance et leur mouvement cosmiques. Hors du temps, Scaphandre nous offre une poésie de l’entre-deux, comme l’autrice elle-même aime bien le dire, qui cherche pieds et qui m’a d’ailleurs rappelé certains vers et poème de Saint-Denys Garneau dans son recueil Regards et jeux dans l’espace. La façon qu’à l’autrice de rythmer et de scander sa parole, le glissement des vers, leur promesse et leurs ravissements, m’ont, paradoxalement, d’autant plus permis de me lover dans son écriture. À mon tour, loin de tout, devant un lac puis face aux étoiles, je me suis fait scaphandre.

 

Le vide : mode d’emploi. Aphorisme de la vie dans les ruines – Anne Archet – LUX

Perdre haleine. Phrase autoérotique ­– Anne Archet – remue-ménage

Le carnet écarlate : fragments érotique lesbiens – Anne Archet – remue-ménage

Amants. Catalogue déraisonné de mes coïts… – Anne Archet – remue-ménage

Il m’aurait habituellement fait grand plaisir d’œuvrer de grandes circonvolutions pour vous vanter l’autrice qui occupe(ra) toute entière mes deux années à la maîtrise, mais Anne Archet, avec la désobligeance, l’irrévérence et l’insoumission qu’on lui connait, nous a plutôt laisser ceci sur ses réseaux sociaux, en guise d’indications pour cette journée du 12 août :

Une belle excuse pour vous y lancer et vous prêter au jeu au de l’anarchiste (et qui plus est, pour vous initier à ses oeuvres érotiques) ? À vous les oreilles, comme on dit…(ce sera tout pour aujourd’hui).

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