À peine mon laissez-passer média en main, mon T-shirt de Spike (Buffy contre les vampires) a déclenché deux sourires complices : la préposée à l’accréditation et celle à l’entrée m’ont dit combien cette série les ramenait « à l’époque ». Le ton était donné. Au Comiccon de Québec 2025, nos passions sortent du salon pour prendre toute la place.
Par Léon Bodier, chef de pupitre aux arts
L’ORGANISATION
Le Comiccon de Québec 2025 s’est déployé sur trois étages, divisant ses zones de circulation entre marché geek, espaces casse-croûte, grande et petites salles de conférences. Ces dernières, situées à l’étage inférieur, permettaient aux panélistes d’échanger sans perturbations — un format détendu qui tranchait agréablement avec l’effervescence des allées principales.
Les grandes salles de vente constituaient le cœur battant du week-end : un flux continu de visiteur.ses costumé.es — plus nombreux.ses que les non-costumé.es — donnait à l’ensemble une allure de carnaval futuriste. Parmi les kiosques, on retrouvait autant de petit.es créateur.rices que de studios plus établis : des vendeur.ses de BD et de mangas, des illustrateur.rices d’affiches, des créateur.rices de pins, des marchands de figurines et de t-shirts geeks, sans oublier des stands plus participatifs dédiés au perlage, à la réalité virtuelle ou aux jeux de société et de vidéos en équipe. Certains couloirs accueillent des cosplayers installés en permanence — notamment des groupes Star Wars et pirates —, côtoyés par des robots télécommandés (plusieurs R2-D2 en vadrouille) et des marches impériales.
Cette scénographie vivante faisait du salon un véritable microcosme pop-culturel : l’œil ne sait plus où se poser entre les performances spontanées, les créations personnalisées de sabre laser et les artistes peignant en direct. Une immersion totale où la frontière entre visiteur.se et participant.e s’effaçait.
LES SHOW
Concert RPG de l’orchestre Select Start
Premier grand moment du week-end : le concert d’ouverture, dirigé par un chef d’orchestre incarnant Geralt de Rivière, a transformé la scène en univers de jeu vidéo symphonique. L’ensemble a revisité les bandes originales de The Witcher, Octopath Traveler, Chrono Trigger et Mass Effect, ce qui créait un pont harmonieux entre la fantasy médiévale et la science-fiction spatiale.
L’auditoire, déjà conquis dès les premières notes de Toss a Coin to Your Witcher, s’est laissé porter par cette célébration orchestrale du gaming. On avait l’impression d’être dans le jeu, mais avec la puissance d’un concert classique. Ce mélange entre virtuosité musicale et nostalgie vidéoludique illustre le meilleur du Comiccon : unir la passion populaire et la rigueur artistique.
Concours de Costume : La Mascarade et Sélections COSPLAY-EH!
La mascarade a réuni une salle comble. Le duo de présentateurs, Logan et David, a rythmé la soirée en alternant anglais et français. On a senti toutefois une disparité : le présentateur anglophone était très drôle, mais ses blagues en anglais perdaient l’essence pour certaines du public francophone. Les talentueuses juges — Emmy Cosplay, Kineraille, Morgan Cosplay, Kath Luna, Kit Kat Sprinkleet Bombardchaotique — incarnaient la diversité des profils cosplayeurs, de la couture à la sculpture.
Chaque participant.e était introduit.e avec un discours, ce qui permettait d’avoir une backstory et de transformer le costume en personnage. Toutefois, sur écran, lorsque le costume rivalisait en qualité, l’écart entre le visuel et les images projetées pouvait décevoir (on se demande si le costume est à la hauteur de l’image).Certaines prestations, comme Plomberie Royal (Wario et Waluigi crossdressed) ou Queen Who Never Was (House of Dragons), ont marqué par leur présence scénique et la justesse de leur jeu.
Si la durée — près de deux heures — s’est faite sentir, la passion des participant.es a maintenu l’attention du public jusqu’à la fin malgré un oubli malheureux de la dernière participante. L’entracte, assuré par des ninjas d’Halloween (également l’équipe technique du spectacle) lançant des chocolats, a allégé le rythme avant la reprise.
Pour les tableaux plus faibles (novices), l’enthousiasme l’emportait sur la précision. Pour les costumes de niveau supérieur, on percevait la maîtrise — ce contraste, naturel dans les événements cosplay, demanderait peut-être une meilleure structuration pour que chaque moment se valorise. Mais globalement, la mascarade reste le cœur communautaire du Comiccon : un espace où le costume devient langage.
Spectacle Burlesgeek (18+)
Nouveauté cette année : le show burlesque, introduit par deux drag queens, dont Uma Gahds de Canada’s Drag Race saison 5. L’ambiance était survoltée dès la première réplique : « Sex work is real work! » a lancé l’une d’elles sous les acclamations. Le premier numéro, inspiré de Diablo, jouait sur le contraste entre noirceur et sensualité — la performeuse se dévoilant progressivement avant d’être « ramassée » par Sailor Moon ; « Miaou! », scandait la foule à chaque fois qu’elle se baissait (apparemment coutûme dans les comiccon).
Suivait Deedee dynasty, puis un lipsync en hommage à Wrecking Ball des deux présentatrices. Enfin, la voltigeuse clôturait la soirée en Blanche Neige, croquant la pomme dans un geste de défi avant que le morceau Princesses Don’t Cry ne transforme la disney en effeuillage suggestif. Ce segment a été l’un des plus acclamés du week-end. Il proposait une relecture sexuellement libérée des figures de la pop-culture — un moment qui prouve que le Comiccon peut être aussi un espace de performance décomplexé.
Pour mon premier Comic-Con, j’ai découvert un terrain de jeu plus vaste que je ne l’imaginais : un concert d’orchestre capable de faire renaître, en grand, des musiques de jeux vidéo, des shows plein d’énergie, des conférences où l’on partage des outils et des idées entre créateur.rices. Un week-end où l’on se sent chez soi, justement parce qu’on n’y est plus seul.e.