Imaginez que le vaudeville de Feydeau croise l’absurde de Ionesco et l’entertainment à l’américaine de The Price is Right… dans un Palais de justice. C’est dans cet univers éclaté que le public est convié par les Treize dans leur première offrande de la session.
Une spectatrice est condamnée à mort, quelques minutes après le début de la pièce. Elle doit mourir, clame le procureur, qui la tuerait lui-même si la justice lui en donnait l’occasion. Quel odieux crime a-t-elle commis ? Qu’importe, en vérité. Tout ce qui compte, c’est qu’elle se rende compte de l’atrocité de son crime, et que la foule corrobore les allégations portées que défendent férocement les acteurs.
Pour que justice se fasse, les témoins défilent devant le procureur (Hugo Salek, personnage assoiffé de justice au livré d’une précision chirurgicale) et la défenderesse (Mathilde Baillot, hypnotisante en avocate belle parleuse et mielleuse). Le tout sous le regard un brin névrosé de la juge (Stéphanie Hayes, éloquente et hautement divertissante).
C’est ainsi que défileront des personnages hautement colorés tels la nerveuse fille du vestiaire (Justine Bertrand, convaincante) et la sympathique Gudrune qui prépare les sandwichs et les breuvages pour l’entracte (Alexandra Hinse, stoïque et magnifique malgré les fausses moustaches et la robe à froufrous).
Il n’y a aucun doute : la criminelle, c’est bien celle qu’on a désignée, et qui se fait juger bien malgré elle, par cette faune loufoque et délicieusement névrosée. Les preuves sont là : elle a un visage de criminelle, ça se voit bien.
Après avoir monté Trois nuits avec Madox à Premier Acte cet automne, Guillaume Pepin a une fois de plus donné vie à l’univers absurde de Matei Visniec, cette fois avec les Treize. Dans Le spectateur condamné à mort, on offre la justice en spectacle, et on se demande bien au final qui juge qui, et qui est le véritable criminel. Au diable le quatrième mur : la joyeuse troupe pousse l’audace jusqu’à convier le public à un faux entracte ou limonade et café sont distribués à la bonne franquette.
Le spectateur condamné à mort, de Matei Visniec
Présenté au Théâtre de Poche de l’UL jusqu’au 21 février
Jeudi 18 février et vendredi 19 février à 20h
Samedi 20 et dimanche 21 février à 14h30 et 20h