Lenteur ou…longueur ?

Le Théâtre Ad Lux en collaboration avec le Laboratoire des Nouvelles Tech nologies de l’Image, du Son et de la Scène (LANTISS) nous présentait, du 5 au 9 février au théâtre Premier Acte, Le Voyage de Tchékhov à Sakhaline.

Perle Fostokjian

Commençons d’abord avec ce qui était touchant, impression- nant. D’un côté Apollon, de l’autre Dionysos. C’est-à-dire : d’un côté de très belles images, des plus photogéniques, avec un mariage réussi entre projections et lumières. En particulier, la scène japonisante caressait l’oeil par sa douce har- monie scénographique, ses mou- vements oscillant gentiment entre le fluide et le saccadé, fidèlement à l’esthétique des marionnettes. Le visuel s’est montré irréprochable, du début à la fin. Et de l’autre côté la musique, hautement narrative, sans jamais verser dans le kitsch qu’aurait pu entraîner l’utilisation du folklore russe. Berçantes à l’instar de contes pour enfants, les pièces choisies habillaient toujours les scènes en faisant ressortir leurs plus beaux atours.

Dans son rythme, Le Voyage de Tchékhov à Sakhaline étonnait agréablement par sa lenteur, son ton posé comme celui d’une vieille personne qui ne craint pas de faire attendre avant de prononcer quoi que ce soit. Il en allait de même pour la présence des marionnet- tistes sur scène. Très élégantes, les trois comparses se mouvaient dans un silence et un recul frôlant le recueillement. L’ensemble de l’oeuvre dégageait somme toute une belle dose de sérénité. Malgré toutes ses qualités, la création du Théâtre Ad Lux n’est cependant pas parvenue à emmener son pu- blic dans les profondeurs d’une vé- ritable histoire. Le récit du voyage, ponctué de quelques dialogues su- perficiels, n’a pas eu l’incision des 6000 kilomètres pourtant traversés par son protagoniste. La lenteur se transformait parfois en longueur, peut-être par manque d’une action autre que celle de la marionnette — électroniquement impression- nante, certes — qui descend ( fort joliment, soit ) les escaliers… Il sem- blerait qu’il ne suffise pas de créer quelque chose de beau et de so- phistiqué pour conquérir l’âme du spectateur.

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