Selon le dernier sondage effectué par l’Union des artistes (UDA) publié dans Le Devoir la semaine dernière, la danse fait office de parent pauvre de l’art. En comparaison à la musique ou au cinéma, elle ne fait pas l’unanimité auprès des Québécois. État des lieux d’un art méconnu, mais en constant développement.
Les Québécois ont été invités à choisir les trois secteurs culturels où l’État pourrait allouer des subventions. 49 % se sont tournés vers le cinéma, 47 % vers la télévision et 44 % vers les festivals. La danse attire moins : 4 % des Québécois estiment que le financement étatique doit se tourner vers l’art chorégraphique.
Si la danse contemporaine ne jouit pas de la même popularité que d’autres domaines artistiques, c’est parce qu’il n’y a pas suffisamment de diffusion et de représentation sur la scène québécoise, estime Étienne Lambert du Collectif DANS TA FACE. « À part La Rotonde [organisme qui diffuse et valorise la création en danse], il n’y a absolument rien », soutient ce dernier. Pour lui, cela se conjugue au manque de couverture médiatique en comparaison à d’autres modes d’expression artistique.
Une distance avec le public québécois ?
Les raisons de cette distance entre les Québécois et les artistes sont de plusieurs ordres. Le danseur estime que c’est un art difficile à expliquer aux gens. « Trouver une définition de la danse contemporaine qui fasse quatre lignes, ça n’existe pas. »
Steve Huot, directeur général et artistique de La Rotonde, soutient de son côté que les citoyens sont moins en contact avec l’art chorégraphique contemporain.
Cette herméticité est liée à la culture québécoise. « [Au Québec], il n’y a pas d’habitudes bien installées en danse contemporaine », estime le directeur de La Rotonde. Il ajoute que les plus grandes vedettes québécoises, parmi lesquelles figurent Édouard Lock ou encore Marie Chouinard, jouissent d’une plus grande notoriété à l’étranger.
Malgré son manque d’accessibilité, la danse contemporaine s’ouvre progressivement, poursuit M. Huot. « C’est plus un art en développement », croit celui qui soutient que les spectateurs de La Rotonde ne sont pas forcément des initiés.
« Ça surprend les gens, mais les spectacles de danse contemporaine sont très bien fréquentés ». – Steve Huot, qui ajoute que les taux de fréquentation des spectacles sont au-dessus de 80%.
Rendre la danse accessible
Pour les professionnels du milieu, il faut rendre la danse moins hermétique, à commencer par le processus de création. Pour Étienne Lambert, le meilleur moyen de sensibiliser le public se traduit par les performances in situ afin de favoriser l’aspect social de cet art et de montrer aux gens ce qu’est la danse contemporaine. « C’est un premier pas vers une ouverture », affirme-t-il.
L’autre moyen est de substituer le côté sacré par le côté humain, estime Geneviève Robitaille. Pour elle, les danseurs sont des personnes comme les autres qui sont en mesure de comprendre l’émotion ressentie par le public.
« Ce sont des corps dans l’espace, des êtres humains. On a tous un corps et on peut tous être empathiques » – Geneviève Robitaille, danseuse du collectif DANS TA FACE.
Elle ajoute que pour danser, il faut mettre en valeur la personnalité et le vécu des interprètes. « Il faut utiliser cette matière-là pour la magnifier », ajoute-t-elle. De son côté, l’étudiante en danse Andrée-Anne Marquis avoue que c’est l’authenticité des danseurs qui peut faire la différence sur scène.
Pour Steve Huot, le plus important est de se concentrer sur la diversité et l’excellence des danseurs. En ce qui concerne la diversité, il soutient qu’il faut pouvoir offrir des spectacles conceptuels, mais aussi des partitions chorégraphiques plus travaillées. Cette diversité de choix et cette liberté est le propre du danseur contemporain. « C’est la danse de tous les possibles, car il n’y a pas de limite », estime Étienne.
La Maison pour la danse de Québec : un nouvel outil de diffusion ?
Récemment, l’annonce du début de la construction de la Maison pour la danse de Québec a réjoui les professionnels du milieu. Elle aura à dessein de faire connaître la discipline et de la diffuser dans la Capitale. « Ce projet est articulé autour des besoins des artistes pour la recherche, la création, l’entraînement », appuie Steve Huot.
En pratique, cela va notamment se décliner par l’instauration de résidences de création où l’accent sera mis sur la rencontre avec des artistes en provenance d’autres pays. Pour le directeur général et artistique de La Rotonde, il est également question de stimuler la circulation des œuvres et des artistes à travers le Québec.
Pour Geneviève Robitaille, danseuse au sein du collectif DANS TA FACE, la construction de ce haut-lieu de la danse est le meilleur moyen d’atteindre le public. Des cours de danse y seront offerts et la découverte de cet art, favorisée. La structure vitrée du bâtiment à voir le jour près de la bibliothèque Gabrielle-Roy sera une façon de voir ce qui s’y passe. « Ça va être un bon pilier, ca va être visible en plus », ajoute la danseuse.
Andrée-Anne Marquis, étudiante à l’École de danse de Québec, estime que cette institution donnera des opportunités de création aux artistes de la relève. Elle est persuadée que son implication à des projets de la Maison pour la danse sera une plus-value pour son parcours professionnel.
« En sortant de l’école, on est encore en recherche de ce qui nous plaît, on n’a pas encore tout découvert », estime-t-elle. Pour la jeune femme, ce lieu l’aiderait à consolider son expérience, car les chorégraphes recherchent des danseurs avec un bagage d’interprète déjà établi.