Fidèle à la folie des listes, Impact Campus vous propose encore une fois son palmarès des meilleurs films de l’année, histoire de vous partager quelques coups de cœur. Les grands succès critiques y côtoient quelques découvertes plus personnelles. Explosion de l’offre oblige, ce palmarès ne prend cependant pas en compte les longs-métrages sortis à Québec après le 18 décembre (et non, Star Wars n’y figurerait pas). Bon cinéma !
- Ex-aequo. Chorus, de François Delisle (Québec)
Un superbe film sur le deuil. Fannie Mallette et Sébastien Ricard, éblouissants de vérité, y interprètent deux amants séparés par un terrible drame : la disparition de leur fils. Longtemps après le tragique événement, le corps du jeune garçon est découvert ; après des années passés loin l’un de l’autre, les deux parents renouent. Chorus est un film lent, contemplatif, touchant, aux images magnifiques, tournées en noir et blanc. Un petit bijou qui arrache les larmes.
- Ex-aequo. Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin (France)
Un très beau film, en trois actes, sur l’enfance et surtout l’adolescence avec ses idylles, ses chimères, ses rêves et ses combats. Comme toujours chez Desplechin, le long-métrage est bavard, très bavard, limite poseur, mais cette avalanche de paroles possède un doux effet hypnotisant et véhicule une réelle réflexion. La réalisation de Desplechin, sobre, élégante, précise, propose une magnifique reconstitution d’époque, alors que le scénario saisit l’essence d’un âge. Mathieu Amalric incarne Paul Dédalus, alter ego du cinéaste, celui qui jette un regard sur sa jeunesse perdue ; Quentin Dolmaire est Paul Dédalus adolescent ; l’évanescente Lou-Roy Locollinet est sa flamme perdue. Un doux moment de cinéma.
- Les Nouveaux Sauvages, de Damian Szifron (Argentine)
Une gâterie, un film à sketches absolument délirant, délicieusement sadique, pervers et vulgaire. Sans aucun doute la comédie la plus hilarante de l’année, bête et méchante, parfois noire, mais épouvantablement drôle. Si les sketches ne sont pas tous égaux, certains atteignent des sommets : la lutte à finir entre deux chauffeurs qui se croisent sur une route déserte, la révolte d’un contremaître exaspéré (incarné par le toujours excellent Ricardo Darin), les contorsions d’une famille de notables pour camoufler le crime de leur fils et un mariage qui vire au pugilat comptent parmi les très bons moments. Un réjouissant défouloir.
- Macbeth, de Justin Kurzel (Grande-Bretagne, Etats-Unis, France)
Jamais la folie destructrice de Macbeth, thane écossais régicide et souverain cruel, n’aura été mieux rendue au grand écran. Justin Kurzel s’approprie pleinement le chef-d’œuvre de Shakespeare et livre un drame noir et violent, âpre et brutal, à la fois profondément réaliste et terriblement incertain, évanescent même. L’esthétique léchée, le parti pris graphique assumé, la photographie majestueuse, aux tons sombres et orangés, magnifient la tragédie et forment un écrin digne du texte shakespearien. Dans le rôle-titre, Michael Fassbender manie avec maestria le tourment, la faiblesse et l’avidité ; en Lady Macbeth élégante, froide et cruelle, Marion Cotillard relève le défi avec brio. Un film dérangeant, où le théâtre se fait enfin cinéma.
- Réalité, de Quentin Dupieux (France, Belgique)
Un étrange objet cinématographique, complètement éclaté, situé très loin au champ gauche. La prémisse est d’une formidable et géniale bizarrerie : Jason Tantra (Alain Chabat), un caméraman sans histoire, rêve de réaliser un film d’horreur opposant humains et téléviseurs. Il obtient l’appui d’un producteur influent (Jonathan Lambert), mais à une condition : Tantra a deux jours pour ramener à son financier le meilleur gémissement jamais enregistré. S’engage alors une course complètement folle, pleine d’imprévus, où les personnages loufoques se succèdent et la réalité se tort. Le film se mêle au rêve, le rêve au film, les frontières se font poreuses, tout se confond en une étourdissante mise en abyme. Réalité est un formidable concentré d’inventivité et de douce folie, porté par la réalisation débridée de Quentin Dupieux et la réjouissante performance d’Alain Chabat. Un joyeux dépaysement !
- Corbo, de Mathieu Denis (Québec)
Corbo raconte, avec tendresse et élégance, les derniers mois de Jean Corbo, jeune garçon idéaliste qui, en 1966, joignit par conviction – et aussi par amour – les rangs du FLQ. De plus en plus engagé, il poursuivit son action jusqu’à se faire poseur de bombe, et à être emporté par la tragédie. Mathieu Denis trace avec passion mais délicatesse le portrait du jeune militant, rendant avec une grande justesse ses émois adolescents, ses conflits familiaux et ses espoirs révolutionnaires. Corbo est un film engagé, certes imparfait, mais d’une grande beauté, dans sa forme comme dans son propos. Une histoire triste et belle, tendrement racontée, où l’histoire devient cinéma.
- Spotlight, de Tom McCarthy (Etats-Unis)
Le film coup-de-poing de l’année. Ce long-métrage de Tom McCarthy raconte comment les journalistes d’enquête du Boston Globe, en vinrent, en 2001, à dévoiler un immense scandale de pédophilie. Des dizaines de prêtres catholiques étaient impliqués, et leurs actions, connues par la hiérarchie, étaient soigneusement camouflées depuis des années. Spotlight montre, avec puissance et pertinence, comment une petite équipe parvint, à force de persévérance, de recherches, de courage et de volonté, à faire voler le dôme de silence qui recouvrait la ville. Un film essentiel, à la distribution éclatante : Stanley Tucci, Michael Keaton, Rachel McAdams, Mark Ruffalo, Brian d’Arcy James et Liev Schreiber sont notamment au générique.
- Le Tout Nouveau Testament, de Jaco Van Dormael (Belgique, Luxembourg, France)
Dieu existe. Il est belge. Et c’est un salopard. Depuis le bureau de son triste appartement, il s’amuse à pourrir la vie des hommes, sous le regard résigné de sa femme (Yolande Moreau) et celui, rebelle, de sa fille. Qui, un jour, décide qu’elle en a assez, et quitte l’appartement paternel pour descendre sur Terre. Là, prenant exemple sur feu son frérot, elle se décide à recruter quelques belles âmes comme disciples, de la vieille bourgeoise en manque d’amour au jeune garçon ostracisé. Le tout, alors que son Père, en grande furie, la poursuit sans relâche. Le Tout Nouveau Testament est un film profondément original, drôle, émouvant, puissamment poétique. La réalisation comme le scénario regorgent de magnifiques trouvailles, et quelques scènes touchent au sublime. Dans le rôle de Dieu, Benoît Poelvoorde est hilarant ; dans celui de sa fille, la jeune Pili Groyne est d’une ahurissante justesse. Un très, très bel ovni.
- Ex Machina, d’Alex Garland (Grande-Bretagne)
L’une des plus belles surprises de 2015, et sans aucun doute le meilleur film de science-fiction de l’année, n’en déplaise aux Star Wars et autres The Martian. Programmeur chez un géant informatique, Caleb (Domhnall Glesson) est un jour sélectionné pour passer une semaine en compagnie du génial fondateur et PDG de la compagnie pour laquelle il travaille, Nathan (Oscar Isaac, charismatique en mégalomane inquiétant). Ce dernier vit retiré dans une splendide demeure high tech, perdue en pleine nature, et y conduit des recherches sur l’intelligence artificielle. Rapidement, Caleb sera confronté au résultat des expérimentations de son patron : Ava, une troublante cyborg qui possède tout – ou presque – de l’humain. Entre séduction et manipulation, macabres découvertes et sublimes révélations, le jeune homme tentera de trouver une vérité qui se refuse obstinément à lui. Alex Garland accouche ici d’un film oppressant, inquiétant, parfaitement maîtrisé, un huis clos à l’esthétique léchée et au scénario délicieusement ambigu et pervers. Bref, une variation plus que réussie sur le thème de l’homme et de la machine. Dans le rôle d’Ava, Alicia Vikander est une véritable révélation, et parvient même à éclipser ses talentueux compagnons. Un tour de force.
- Steve Jobs, de Danny Boyle (Etats-Unis)
Un fascinant portrait de Steve Jobs, génial fondateur d’Apple, en trois temps forts. On y suit, presque en temps réel, les minutes qui précédèrent trois lancements de produits-phares : ceux du Macintosh (en 1984), du NeXt Computer (en 1988) et du iMac (en 1998). Le résultat de ce découpage en trois actes, tous dotés d’une formidable intensité dramatique, est un long-métrage vif, haletant et tourbillonnant, qui emporte le spectateur dès la première minute pour finalement le relâcher, étourdi mais ravi, après deux heures de pur bonheur cinématographique. Rythmé par un montage effréné, un incroyable crescendo musical et des dialogues acérés, l’affrontement entre Steve Jobs et John Sculley (Jeff Daniels, excellent), président du conseil d’administration d’Apple au moment du congédiement de Jobs, constitue sans aucun doute la meilleure scène de l’année. La réalisation de Danny Boyle (Slumdog Millionaire) est aussi impeccable que redoutable et le scénario d’Aaron Sorkin (The Social Network) frôle la perfection. Dans le rôle-titre, Michael Fassbender est tout simplement immense. Un régal qui, malgré un inexplicable échec au box-office, mériterait de triompher à la prochaine soirée des Oscars.
- Sommeil d’hiver, de Nuri Bilge Ceylan (Turquie, Allemagne, France)
Palme d’or cannoise en 2014, Sommeil d’hiver est un film austère, interminable (plus de 3h15 !) et verbeux. Malgré tout, il s’agit sans doute du meilleur film à avoir pris l’affiche au Québec au cours de la dernière année. Dans un village rural de l’Anatolie, Aydin (Haluk Biliginer), intellectuel brillant mais déçu, règne en maître sur la population pauvre de l’endroit. Chez lui, il écrase sans réellement le vouloir sa jeune épouse (Melisa Sözen, tout simplement magnifique), qu’il aime pourtant sincèrement. Insatisfait, tourmenté, en perpétuelle recherche de bonheur et de reconnaissance, l’homme se perd en joutes verbales et en discussions philosophiques. Les mots courent, intarissables, puissants, hypnotiques, dans ce formidable portrait à l’immense écho. Le tout enrobé par une photographie majestueuse, qui nous plonge dans une Turquie froide et vide, balayée par les vents d’hiver. Du grand art.