Vingt heures. Les lumières ne sont pas encore éteintes que des rires fusent déjà. La bonne humeur est palpable, tout le monde est venu s’assoir ici en toute connaissance de cause. La compagnie Hommeries ! nous a promis un moment hors du temps, surfant sur la bouffonnerie de notre société et l’idiotie de l’être humain. Nous allons rire de nous et ça va faire du bien.
Par Camille Sainson, journaliste collaboratrice
Trois personnages mi-hommes mi-monstres, interprétés pas Valérie Boutin, Paul Fruteau de Laclos et Guillaume Pelletier, nous font entrer dans la société Meet_Inc, multinationale transpirante des fléaux du capitalisme. Le réveil sonne, c’est parti pour une longue journée mécanisée. Nos trois compères alternent entre une dactylographie robotisée, un arrêt vers les photocopieuses toujours en pannes et la courte — mais très appréciée — pause-café. Puis tout recommence. La routine devient avilissante. Douchebag, Lacharrue et Wannabe incarnent à merveille nos pires défauts, soulignant avec justesse la déshumanisation causée par l’appât du gain. Au diable l’amitié, la compassion et l’altruisme, ne restent que compétition acharnée, trahisons et fourberies pour contenter leur ambition. Pourtant, l’illumination collective survient, l’ennemi ultime prend forme humaine, le capitalisme doit être abattu et nos personnages devront unir leurs forces. Parviendront-ils à l’anéantir ?
Si nous rions à gorge déployée de la stupidité de nos bouffons, de ces animaux sociaux soumis à leurs pulsions et tentés par la chair, nous voyons bien que derrière cette comédie se cache la tragédie de notre propre condition. C’est avec un humour noir décapant, parfois grossier, que la troupe se détache du politiquement correct avec ardeur et envoie valser les conventions pour dénoncer. Dénoncer la politique actuelle canadienne, dénoncer notre économie, dénoncer la gestion de l’épidémie, dénoncer notre pollution quotidienne, notre société de consommation, notre système tout entier, et finalement, notre inaction !
Les comédiens n’hésitent pas à faire participer l’audience dans leurs délires, nous interpellant ainsi sur notre participation silencieuse, et donc consentante, à la marche du monde. Tragi-comédie cathartique, les lumières s’allument, les gens se lèvent, applaudissent, le sourire aux lèvres, Hommeries ! a réussi son pari, nous avons beaucoup ri !