Présenté du 16 au 19 juin au Théâtre Périscope, La musique n’est rien est le point d’orgue d’une expérience sensorielle où la déconstruction du quatrième art est à l’honneur. Pour l’occasion, le Périscope transforme ses coulisses en véritable parcours déambulatoire et dévoile à son public l’envers de son décor. Exit la scène et les projecteurs : ici, la musique constitue un tout dans une ambiance aussi singulière qu’intimiste grâce, entre autres, à la direction artistique de Raphaël Guay.
Par William Pépin, journaliste web
Au cœur des dédales du Périscope
Six stations divisent l’expérience au travers des locaux du Périscope, chacune d’elle offrant une expérience originale. Dès la première station, nommée 1er mouvement du quatuor à corde no. 4 op. 83 de Dmitri Chostakovitch, les spectateurs et spectatrices, seul.es ou en groupe de deux tout au long du parcours, assistent à la répétition d’un quatuor séparé dans quatre petites pièces. Au cœur d’une ambiance détendue où l’on peut entendre au travers des dédales du théâtre les musicien.nes s’entraîner dans une cacophonie complice, nous sommes frappé.es par la déconstruction musicale qui se concrétisera dans les stations suivantes. Le spectateur ou la spectatrice aura l’occasion, entre deux notes, d’interagir avec les musicien.nes, discuter avec eux de leur travail et de l’œuvre de Chostakovitch, notamment.
La deuxième station, complémentaire à la première, « désindividualise » les musicien.nes et nous permet de savourer la pièce dans toute son unité. La reconstruction du quatuor donne du volume au parcours où tout semblait a priori disparate. Par la suite, nous plongeons dans les univers musicaux de Devil Dandy et de Michel Côté, deux interprétations qui, malgré leur caractère fondamentalement distincts, s’assemblent dans une cohésion inattendue de par leur approche expérimentale et déconstruite. Je n’oserai détailler davantage, de peur d’amoindrir la surprise et la saveur du parcours qui frôle l’onirisme.
Douce lumière qui sillonne l’obscurité
La sixième et dernière station, aboutissement d’un trajet aux expériences diverses, se déroule dans le studio Marc-Doré, mais également dans le noir absolu. Dans cette ultime pièce, vos sens ne seront d’aucune utilité, ou presque : ici, seule l’ouïe prime. La musique n’est rien est une œuvre composée par Mathieu Campagna et nous enveloppe de toute sa magnificence. Campagna balaie l’obscurité d’un revers de la main et fait oublier dans quelles conditions nous jouissons de son talent, sans compter celui des musicien.nes qui interprètent son œuvre. Rachel Baillargeon (violoncelliste), Inti Manzi (violoniste), Jean-Michel Marois (violoniste) et Annie Morrier (altiste) forment un quatuor d’exception où leur musique, à l’image des spectateurs et spectatrices qui déambulent dans les locaux du Périscope, sillonne le studio à la recherche d’oreilles en quête d’une expérience sensorielle qui effacerait presque de notre mémoire les derniers mois de pandémie.
Un éclair de singularité plus que bienvenu
La musique n’est rien dure à peine quarante minutes. Si l’expérience est calibrée pour être aussi courte, cela ne veut pas dire que nous n’en aurions pas pris davantage. De plus, il serait faux de croire qu’il n’y a que la musique à l’honneur : l’humain y est fortement présent. Derrière les violons et violoncelles se révèlent des musicien.nes passionné.es avec lesquel.les nous pouvons tisser des liens, et ce, sans la rigidité d’un quatrième mur. Après tout, dans le contexte de cette œuvre si singulière, artistes, spectateurs et spectatrices partagent les mêmes coulisses.
Crédits photo : Théâtre Périscope