Nos lectures bien de chez nous pour ce 12 août

Vous n’avez toujours pas eu assez de recommandations de lectures québécoises à l’occasion de ce 12 août ? Nous non plus. Avant de filer en librairie, Impact Campus vous propose une ultime fournée de coups de cœur, d’objets littéraires atypiques, de rééditions surprenantes et de petites bombes poétiques. Voici de quoi remplir vos sacs et vos après-midi (ou fins de soirée) d’août. 

Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), journaliste multiplateforme, et Emmy Lapointe, rédactrice en chef

1. Sirventès : Poésies au gaz lacrymogène – Anne Archet – Moult Éditions

Avec l’audace, l’insolence et l’ironie tranchante que l’on connaît à Anne Archet, ce premier recueil de poésie revisite – et dynamique – la figure poétique et politique du « sirventès », dont le livre tire son nom. Prolongement naturel de l’art du piratage textuel qui traverse l’oeuvre de l’autrice, Sirventès propose ici une métaphore radicalement contemporaine de la résistance qui porte en elle les échos d’une longue histoire de la poésie contestataire. Outil de guérilla politique, cette œuvre est à mettre entre toutes les mains qui n’ont pas encore connu les cocktails molotov et qui aiment autant l’ardeur et l’incandescence des flammes que celles des mots.

 

 

 

2. La terre maternelle – Anne-Marie Turcotte – XYZ

Récit d’apprentissage du « néo-terroir » et hommage à ces femmes de la grande comme de la petite Histoire, La terre maternelle invite justement à renouveler le rapport au « terroir » à travers une géographie intérieure à la fois intime et sociale, où la mémoire se recompose en éclats. De cette cartographie affective émerge une tension entre appartenance au Témiscouata et désir de départ et d’exploration, portée par une écriture hybride épousant les formes de l’autofiction tout comme du conte, le tout « saupoudré de réalisme magique ». Il s’agit de la première œuvre d’Anne-Marie Turcotte, que l’autrice elle-même qualifie de lettre d’amour au territoire et à la langue française.

 

 

3. Uashtenamu : Allumer quelque chose – Marie-Andrée Gill – La Peuplade

Alors que le titre en lui-même semble agir comme manifeste de ce qui se refuse à l’extinction – du feu, de la parole, de la mémoire –, les mots de Marie-Andrée Gill valent encore une fois le détour. Phrases brèves, images percutantes : la poésie y est accessible, mais non pas moins riche et accrocheuse, comme ce minimalisme porte le double rythme propre à la poésie québécoise contemporaine et à l’oralité de la langue et de la culture innues. La voix de l’autrice, elle, y est forte, avant toute chose incarnée. S’inscrivant indirectement dans la lignée de ses précédents recueils, ce livre peut se lire comme un nouveau mouvement vers un apaisement sans renoncement.

 

4. Dorothée et les couleuvres – Hélène Forest – La Mèche

L’atmosphère de ce livre en fait un roman d’été idéal – chaleur écrasante, lumière, lenteur –, bien qu’il s’éloigne cependant du roman d’aventure ou de voyage classique à la Volkswagen Blues. On ne fait pas ici dans le spectaculaire ni dans les péripéties rocambolesques, puisque la quête identitaire de la narratrice, bercée par son regard enfantin, se joue dans l’ « immobile » : Dorothée se déplace peu, mais son imagination lui permet de parcourir des paysages entiers, réels ou imaginaires. En se faisant apprentie-sorcière et en tentant de donner un sens au chaos qui l’entoure, elle nous plonge dans une matière sensible et un peu mystique, à la rencontre du quotidien et du sacré. Il y a, en Dorothée et les couleuvres, une aventure par moments contemplative qui donne à lire une expérience se mesurant moins en kilomètres qu’en sensations et en révélations, dignes de cette caniculaire mi-août.

 

 

5. Hélas, Hélas : Les actes manqués de Pierrot – Aunerade Beaucage – Noeuds Éditions

« Pénétrez au cœur de son épopée romantique, fantasmagorique et homoérotique », peut-on lire sur le site des Libraires. Et c’est bien vrai : en reprenant ici l’archétype du Pierrot lunaire avec une imagerie gothique et queer, Aunerade Beaucage nous livre une merveilleuse petite allégorie de la mélancolie esthétique. Entre poésie visuelle et textuelle, le livre se déploie comme une suite d’aveux involontaires et de silences – autant d’espaces introspectifs pour s’interroger sur les récits qui nous habitent. Les illustrations au crayon réussissent à créer une certaine proximité avec les lecteur.rices malgré le dialogue de soi à soi qui s’y joue, à la manière d’un carnet intime ouvert où la matière graphique devient presque chair. Une œuvre à contempler autant qu’à lire.

 

 

6. Angélique de Montbrun – Félicité Angers – remue-ménage

Question de s’écarter des nouveautés précédemment suggérées, pourquoi ne pas revisiter ce « premier roman psychologique », nulle autre que l’une des œuvres féminines* les plus singulières quoique méconnues de notre chère littérature québécoise ? Sous ses pieuses et sages apparences se cache effectivement un texte autrement plus rebelle qu’on pourrait le croire. Angélique, jeune femme à l’esprit vif et à la foi incandescente, s’écarte volontairement des sentiers battus : elle se refuse au mariage, offre ses lectures en sacrifice au feu, s’abandonne à d’intenses et troublantes amitiés féminines, et revendique une indépendance pour le moins surprenante pour l’époque. Republiée chez remue-ménage, cette réédition nous rappelle que certaines voix, même issues du siècle dernier, peuvent être bien plus audacieuses qu’on ne l’imagine — et que leur écho, parfois, se fait entendre plus fort aujourd’hui qu’hier.

 

 

7. Ici par hasard – Carolanne Foucher – Les Éditions de Ta Mère

De loin mon ultime coup de coeur de l’année. Carolanne Foucher rend le théâtre accessible tout en le renouvelant. C’est une pièce qui traite du suicide et qui ne banalise pas son poids émotionnel ou son aspect tragique, mais les rires, la lumière au travers le rendent digeste et dicible. C’est un texte pour les gens dont les deuils sont encore à faire comme pour les gens dont les deuils sont encore lointains. 

 

 

 

8. Xénomorphe – Megan Bédard – Les Éditions de Ta Mère

Un livre qui s’adresse à gros maximum une personne sur dix, mais quelle lecture pour cette personne! Megan Bédard s’intéresse à la franchise Alien, à ce qu’il en reste, à la métaphore même de sa commercialisation. Pas besoin d’être un fan fini d’Alien pour comprendre et enjoy sa lecture. Il faut juste être un peu geek, aimer les analyses « inutiles », mais brillantes.

 

 

 

9. Hiver nucléaire – CAB –  Front Froid

Pour contrer la canicule, rien de mieux que de se plonger dans un Montréal perpétuellement hivernal qui croit que même dans une tempête nucléaire, il n’y a rien de mieux que les bagels du St-Viateur.

 

 

 

 

10. Encabanée – Gabrielle Filteau Chiba – XYZ

Le premier roman de Gabrielle Filteau-Chiba est une lecture parfaite pour les derniers jours d’août pour quelqu’un qui chercherait le calme avant la tempête de la rentrée. Appartenant aussi à ce qu’on pourrait nommer le « néo-terroir », Encabanée est assurément le roman d’apprentissage le plus poétique que j’ai pu lire.

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