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Oscars 2018 : une cuvée exceptionnelle

Ah, la belle année que c’était ! Rarement la course aux Oscars aura-t-elle été aussi crève-cœur, avec une sélection proprement affolante dans les catégories-phares. Certes, les surprises sont peu probables : les associations professionnelles et critiques, tout comme les premiers galas de la saison des récompenses, ont décerné leurs prix avec une belle unanimité. Et pourtant… Coup d’œil sur une lutte âprement disputée.

Meilleur film

Sur les neuf longs-métrages en lice pour la récompense suprême, cinq sont d’une très grande qualité (Call Me By Your Name, Dunkirk, Phantom Thread, Three Bilboards Outside Ebbing, Missouri et The Shape of Water), et un seul fait figure d’intrus. En effet, on se demande bien ce que The Post, très quelconque drame journalistique signé Steven Spielberg, fait en si auguste compagnie. L’air du temps, sans doute. Quant à Lady Bird et Get Out, films de genre très réussis et heureuses surprises, ils sont sans doute trop champ gauche pour les membres de l’Académie. C’est tout le contraire pour Darkest Hour, drame historique de Joe Wright qui, malgré d’indéniables qualités, demeure trop convenu en cette année particulièrement relevée pour espérer l’emporter.

Alors, qui ? Three Bilboards, bien sûr. Le film, porté par les interprétations extraordinaires de Frances McDormand, Woody Harrelson et Sam Rockwell, a tout raflé depuis décembre, des Golden Globes aux BAFTA. Le scénario brillant, acéré et jouissif du dramaturge Martin McDonagh y est pour beaucoup.

Malgré tout, à ce portrait déjanté de l’Amérique profonde, on préférera l’élégant et onirique The Shape of Water de Guillermo del Toro, deuxième favori, ou encore le subtil et pervers Phantom Thread de Paul Thomas Anderson, sur la relation tordue qu’entretiennent un grand couturier anglais et sa muse. Très légère préférence pour Phantom Thread, ici : l’enfant terrible du cinéma américain y dévoile toute sa maestria.

Choix : Phantom Thread

Prédiction : Three Bilboards Outside Ebbing, Missouri

Meilleur acteur

Des heures de maquillage, un grand interprète jamais couronné, un rôle inspiré par un géant de l’histoire contemporaine ? Tous les ingrédients semblent réunis pour emporter le vote des membres de l’Académie : l’alliance entre Gary Oldman et le Premier ministre britannique Winston Churchill a toutes les chances d’être victorieuse. Et pour cause : le remarquable George Smiley de Tinker, Taylor, Soldier, Spy est époustouflant en chef de guerre bourru, whisky à la main, cigare à la bouche, prêt à tout pour préserver l’Angleterre de la poigne de fer de l’Allemagne nazie. D’ailleurs, le vétéran acteur part favori : il a déjà en poche le Golden Globe, le BAFTA et le prix de la Screen Actors Guild.

Son plus dangereux adversaire n’est toutefois pas à négliger : le légendaire Daniel Day-Lewis, pour sa toute dernière apparition à l’écran – à soixante ans et au sommet de son art, le voilà qui vient de prendre une retraite surprise –, livre l’une de ses meilleures performances en carrière dans Phantom Thread de PTA. L’acteur britannique, trois fois oscarisé (pour My Left Foot, There Will Be Blood et Lincoln) est tout simplement sublime en grand couturier génial et obsessionnel, évoluant des les hautes sphères londoniennes des années 1950. Son jeu, tout en nuances et en demies-teintes (chose rare !), est envoûtant. Une immense, exceptionnelle performance.

Choix : Daniel Day-Lewis (Phantom Thread)

Prédiction : Gary Oldman (Darkest Hour)

Meilleure actrice

Vingt ans après son triomphe dans Fargo, l’inclassable Frances McDormand mettra fort probablement la main sur une seconde statuette dorée. Jusqu’à maintenant, l’actrice américaine a survolé la saison des récompenses, raflant la mise partout où elle est passée. Il faut dire qu’elle est extraordinaire en mère redneck et mal embouchée, prête à tout pour faire justice à sa fille violée et assassinée dans Three Bilboards Outside Ebbing, Missouri. Elle y offre une performance à la mesure de l’un des rôles les plus marquants de l’année.

Les autres finalistes n’ont pas déméritées, loin de là : Saoirse Ronan, sa plus dangereuse rivale, est formidablement attachante en adolescente rebelle et bohème dans Lady Bird ; la toujours excellente Margot Robbie épate en prêtant ses traits à la patineuse américaine mal-aimée Tonya Harding ; Meryl Streep est solide – sans plus – dans The Post. Mais c’est Sally Hawkins, émouvante à fendre l’âme en muette tombée follement amoureuse d’une étrange créature aquatique dans The Shape of Water, qui a livré cette année la performance la plus troublante et la plus renversante.

Choix : Sally Hawkins (The Shape of Water)

Prédiction : Frances McDormand (Three Bilboards Outside Ebbing, Missouri)

Meilleur réalisation

Il s’agit peut-être de la catégorie la plus relevée de la compétition : c’est tout dire. L’absence de Luca Guadagnino, réalisateur du lumineux et magnifique Call Me By Your Name, relève d’ailleurs du sacrilège. Greta Gerwig (la comédie dramatique adolescente Lady Bird) et Jordan Peel (la comédie d’horreur Get Out) font figure d’outsiders.

Pour le reste, bien malin qui peut dire qui du surdoué Christopher Nolan (le magistral drame de guerre Dunkirk), du virtuose Paul-Thomas Anderson (la mise en scène de son Phantom Thread frôle la perfection) ou du génial Guillermo del Toro (The Shape of Water est formidable d’humanité et d’imagination) mérite le plus de l’emporter. Avantage, côté cœur, à del Toro, dont la fable onirique, avec sa dernière scène d’une beauté absolue, constitue aussi une superbe lettre d’amour au cinéma. Le réalisateur mexicain, vainqueur à la Mostra de Venise, part d’ailleurs favori.

Choix : Guillermo del Toro (The Shape of Water)

Prédiction : Guillermo del Toro (The Shape of Water)

En rafale…

Meilleur acteur de soutien

Choix : Richard Jenkins (The Shape of Water)

Prédiction : Sam Rockwell (Three Bilboards Outside Ebbing, Missouri)

Meilleure actrice de soutien

Choix : Allison Janney (I, Tonya)

Prédiction : Allison Janney (I, Tonya)

Musique (bande-originale)

Choix : Hans Zimmer (Dunkirk)

Prédiction : Hans Zimmer (Dunkirk)

Meilleur scénario adapté

Choix : James Ivory (Call Me By Your Name)

Prédiction : James Ivory (Call Me By Your Name)

Meilleur scénario original

Choix : Guillermo del Toro et Vanessa Taylor (The Shape of Water)

Prédiction : Martin McDonagh (Three Bilboards Outside Ebbing, Missouri)

Auteur / autrice

  • Nathan Murray

    Journaliste culturel dans son Charlevoix natal pendant la saison estivale, Nathan retrouve avec plaisir, au début de chaque année universitaire, les salles sombres de la capitale. Cinéphile assidu, amateur de musique, de littérature et de théâtre, il vogue de concert en spectacle, entre deux livres d’histoire.

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